mercredi, avril 27, 2016

The Billionaire’s vinegar

Sous ce titre est paru en 2008 un ouvrage consacré aux bouteilles les plus chères du monde, les Bordeaux des années 1780 de Thomas Jefferson. On ne peut le lire qu’en anglais (ou plutôt, il me semble, en américain), mais cela en vaut la peine.

Autour de ces bouteilles à la provenance mystérieuse, vendues fort cher à des millionnaires souvent naïfs, Benjamin Wallace donne les résultats de son enquête avec un sens du suspense nettement supérieur au Da Vinci Code.
Même si un travers US habituel se retrouve souvent : « X., un x years old man with golden (or white or blue) hairs etc… ». Franchement, peu importe. Mais n’est-ce pas Robert Parker qui a introduit cette description systématique des atouts capillaires ?
Dans ce thriller, on croise Michael Broadbent, Jancis Robinson, Serena Sutcliffe, la famille Forbes, Bill Koch, Thomas Jefferson +, et bien sûr le personnage central, sous le nom de Hardy Rodenstock. Je l’ai eu comme client, mais c’était il y a très longtemps.

Quel intérêt d’en parler aujourd’hui ? Parce qu’un film est en tournage sur ce sujet, avec comme star Matthew Mac Conaughey. Sur ce point, on peut être assuré que le tournage se fera avec de fausses bouteilles.

Sur ces vastes sujets, de l'argent, du luxe et de la crédulité, on regardera avec intérêt une conférence de Benjamin Wallace, l'auteur de ce livre, sur cette URL.

lundi, avril 25, 2016

Miscellanée de la semaine 17, 2016

LES EXILS DES VIGNERONS DE CAHORS

Jean XXII, pape d’Avignon en 1316, fit venir à Châteauneuf (du-Pape) des vignerons de Cahors, dont il était originaire. Longtemps après, le tsar (de toutes les Russies) fit de même pour implanter un vignoble de malbec sur ses terres. Buvant énormément (ce qui est vrai), il aurait soigné son ulcère au vin de Cahors (ce qui est probable). Récemment, c’est de Moldavie qu’est venu un nouveau « Cahors ». La rançon du succès.

dimanche, avril 24, 2016

Hermitage 1929, Jaboulet-Vercherre

Descendant à Bordeaux pour goûter les primeurs 2015, Bleuzen et moi nous arrêtons chez un ami, qui a dans sa cave quelques jolies bouteilles. J'y avais vu il y a longtemps des Hermitage 1929 de la maison Jaboulet-Vercherre, des blancs. A priori peu de chances qu'un tel vin vale mieux que de servir de base à un beurre blanc. On décide d'en ouvrir une en apéro.

La maison Jaboulet-Vercherre est implantée en Bourgogne, à Beaune, mais elle vient du Rhône, plus précisément de Tain-L'Hermtage, où elle fut fondée en 1834. En Hermitage, la cuvée de rouge s'appelle Rochefine, la cuvée de blanc s'appelle La Tour Blanche. J'ai peu de connaissances sur ce vin. Une bouteille de 1976 a été ainsi décrite en 2014 par François Audouze: "une couleur d’une jeunesse folle. Le nez est de truffe blanche. Son élégance est extrême. La bouche est remarquable, fluide, et l’équilibre est grand. C’est un très grand vin."

Robert Parker en parle comme d'une cuvée de qualité moyenne. Evidemment, la maison Jaboulet-Vercherre n'a rien en commun, si ce n'est une lointaine ascendance, avec Paul Jaboulet. La famille fondatrice a d'ailleurs vendu cette maison en 2002 je crois. Je connaissais ses vins surtout par le Pommard Clos de La Commaraine, souvent très bon en millésimes anciens, notamment le 1964 si mes souvenirs sont bons.

Les bouteilles ont des niveaux divers, certaines en vidange sont visiblement oxydées. Nous en choisissons une dont le niveau est à 6 centimètres du bas du bouchon, ce qui est bien bas pour un blanc sec.
A température d'une bonne cave, c'est bien suffisant. Le bouchon part en miette malgré mes efforts, et nous devons carafer le vin en le filtrant.
Première surprise, la couleur est certes dorée, mais assez lumineuse pour espérer avoir quelque chose de bon. Le nez est excellent, cireux, avec la noix d'un vin jaune, mais discrète. En bouche, c'est un jeune homme, vif et fringant, mais carré. La finale est franchement tannique, ce qui est très surprenant pour un vin de cet âge. Une idée, mais il est trop tard: servi à température ambiante et vraiment à l'aveugle, il pourrait passer pour un vin rouge. Ce vin a du attendre très longtemps pour digérer son réduit.

De retour, je consulte le livre de référence de Michael Broadbent; comme partout, 1929 y est décrit comme un millésime exceptionnel. Broadbent note une fréquence du nez de noix, et pour son unique note sur un Hermitage blanc de 1929 (de chez Chave, respect), de noix de coco!
Evidemment pas la couleur politique de feu Pierre Jaboulet-Vercherre, dernier de la famille dans la maison.En tous cas, un grand souvenir que ce vin.

Le lendemain de cet article, Monsieur Audouze me répond sur le forum de La passion du vin, en rajoutant un commentaire sur un vieux millésime, que voici: "L'Hermitage blanc La Tour Blanche Jaboulet Vercherre 1947 est une belle surprise. Par transparence dans la bouteille le vin m'était apparu très sombre. Mais en fait dans le verre, le vin est d'un ambre très clair, tendant vers un rose pâle. Le nez est pur. Il est simple mais direct, avec un joli fruit rose que suggère sa couleur. La vibration avec les coques, touchées de chorizo est superbe."

samedi, avril 23, 2016

Miscellanée de la semaine 16, 2016

CLIMATS DE BOURGOGNE :



Il s’agit des noms de parcelles cadastrales très anciens. Souvent ils désignent l’exposition de cette parcelle, souvent aussi sa qualité ou les conditions de travail qui en résultent. Ils sont très nombreux :
Les Champs-Perdrix à Fixin, à Vosne-Romanée et à Nuits-Saint-Georges, les Corbeaux à Gevrey-Chambertin, Les Poulaillères à Flagey-Echézeaux, les Cailles à Nuits-Saint-Georges, les Poulettes et Aux Perdrix à Nuits-Saint-Georges. Voilà pour la gente ailée. Citons aussi deux prédateurs : Les Renardes à Aloxe… et Dent de Chien à Chassagne.

Miscellanées de la vigne et du vin, Gilles du Pontavice

vendredi, avril 22, 2016

Verticale de Romanée-Conti



A vendre prochainement.

Romanée-Conti 1945 (en magnums)

Et revoilà les fameux magnums de Romanée-Conti 1945 !



1945 : très grand millésime, par le symbole et la qualité, et surtout dernier millésime où l’étiquette de la Romanée-Conti porte la fière inscription :
Vigne originelle française non reconstituée

Après la vendange, tous les ceps furent arrachés et l’on replanta des pieds greffés. La Conti avait lutté contre le phylloxéra durant des décennies, et comme les autres vignes elle avait perdu.

Je ne sais plus quand on me les a proposés, trois magnums d’un millésime mythique, mais ça remonte à loin puisque c’était en francs français. 20.000 francs chacun, je crois, pas cher… mais payables en liquide. Vers 1995 peut-être. Le vendeur n’était qu’un intermédiaire, et celui qui était derrière lui, je n’en avais pas grande confiance. Affaire tentante mais risquée.

Par un ami qui connaissait quelqu’un qui, etc., j’ai contacté un proche du domaine, et on m’a répondu, de façon informelle, qu’il n’y avait pas eu de mise en magnums au domaine en 1945 (la récolte était minuscule : 608 bouteilles). J’ai évidemment laissé tomber.

De ces magnums, j’ai ensuite perdu la trace. J’en ai retrouvé deux par hasard.

On en retrouve un autre, vendu en 2013 par un restaurateur de Chicago pour 45.000 dollars.
Le Journal de Saône-et-Loire cite Aubert de Villaine, co-gérant du Domaine :
« Selon la rumeur, l’ancien chef du domaine aurait créé, à partir de bouteilles, quelques magnums pour des Compagnons de la Libération (…). Mais quand il a fallu authentifier les bouteilles, le chef de cave était mort ».

La cuisine des châteaux du Bordelais

Attention, ce sont les derniers exemplaires de cet ouvrage paru en 2001 aux Editions Ouest-France, et qu'on peut encore commander chez un libraire.
Au menu, des reportages gourmands dans les Châteaux ci-dessous:


Château Léoville-Barton, "Un amour de Saint-Julien."
Château de Mongenan, "Un jardin des lumières."
Château de Cazeneuve, "Château royal."
Château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande, "Si Pichon m’était conté… »
Château Margaux, "Sans défaut."
Château de Figeac, "Villa familiae."
Château Nairac, "Nairac... rime avec Barsac".
Château de Mongenan, "Un jardin des lumières. »lumières."
Château du Bouilh,"Un rêve interrompu."
Château de Roquetaillade, "Viollet-le-Duc, côté cuisines."
Château Pontet-Canet, "In vino veritas."
Château Smith-Haut-Lafitte, "Une chartreuse dans les Graves."
Château d'Yquem, "Quoi ? L'Eternité. C'est la terre allée avec le soleil."
Château Branaire-Ducru, "Un grain de beauté."
Château Kirwan, "L'art de l'assemblage."
Château Fayard, "Un classique romantique."

lundi, avril 18, 2016

Récapitulatif notes Bordeaux Primeurs de 2009 à 2012, et pourquoi cela s'est arrêté

Pour la première fois en 2010, j’ai publié des notes de dégustations sur les primeurs de Bordeaux. Je m’y rends chaque année depuis 19xx, j’étais dans les plus jeunes, cela n’est plus le cas. Il est impossible pour quelqu’un comme moi, sans grande infrastructure, de goûter tout ce qui se fait à Bordeaux. Donc je picore, chaque année sans a priori, et je garde mes notes pour le moment où les vins arriveront sur mon marché, celui des ventes aux enchères – au minimum cinq ans.
J’ai reporté ces notes sur des pages perso de qualité moyenne, mais informatives. On peut les retrouver, sans quelques photos perdues au hasard d’un très méchant virus, aux adresses suivantes :
http://latruitedequenecan.pagesperso-orange.fr/GrandsVins/Primeurs2009.htm
Millésime 2009, avec une classification à part pour les vins très dominants en merlot (90% et plus).

http://latruitedequenecan.pagesperso-orange.fr/GrandsVins/Primeurs2010.htm
Où j’expose le postulat qu’on peut déguster les primeurs le nez bouché. Où l’alcool devient dominant. Où l’auteur regrette avec aigreur que les Graves blancs soient plus chers que les Graves rouges.

http://latruitedequenecan.pagesperso-orange.fr/GrandsVins/Primeurs2011.htm
Où la photographie s’impose dans le compte-rendu. Où par apriori je me méfie des a priori. Où Parker… et les chevaux de labour loués au jour pour satisfaire l’objectif des journalistes.
Que j’étais méchant alors : « Fonbrauge à 21 euros, c'est du Fombrauge. Alors que Magrez Fombrauge à 112 euros, c'est du Magrez ». Aussi en parlant des journalistes grégaires mais farouches.
Où l’on peut voir Parker devant le plan d’eau du Château Lagrange.

http://latruitedequenecan.pagesperso-orange.fr/GrandsVins/Primeurs2012.htm Où sombre Sauternes.
Où l’on réapprend qu’un millésime d’une certaine qualité, succédant à deux grands millésimes, est très disqualifié par les commentaires.

http inexistante : Primeurs 2013 Je n’ai pas retranscrit mes notes sur les Bordeaux 2013. Faute en premier d’une panne informatique de grande envergure. Faute ensuite de ma déception globale devant ces vins, qu’un critique a qualifié de « plus mauvais millésime depuis cinquante ans », ce qui est injuste sans doute.

http inexistante : Primeurs 2014 Pas venu aux primeurs. Pas le temps.
2015, mon retour. Mais le lecteur a déjà vu cela plus haut.

jeudi, avril 14, 2016

Entre ici, Michel Chasseuil

Entre ici, Michel Chasseuil, avec tes grandes bouteilles... Puisque tu ne m'a jamais répondu depuis qu'ensemble nous avons écrit les 100 bouteilles extraordinaires de la plus belle cave du monde, que ta collection de La Chapelle-Bâton ne trouve, apparemment, pas d'abri pérenne, puisqu'il faut bien en sortir un jour, pourquoi ne pas faire confiance au marché?
Est-ce un hasard si l'éditeur de la traduction chinoise a figuré en couverture les toits du château de Chambord? "Un château posé en Sologne comme un gros diamant au centre de la France (...) qui est lui-même la couronne et se passe d'un souverain." Les phrases sont de moi, je n'y peux rien. Mais le plus bel écrin républicain pour la plus belle collection de vins au monde, c'est Chambord. Point.

Bordeaux primeurs 2015 : vendredi : Bad Boy, Bad Girl

Du garage à la basse-cour... C’est Robert Parker (dit-on, mais on ne prête qu'aux riches), le maître du chien de Mondovino, qui a trouvé le surnom de Jean-Luc Thunevin : Bad Boy, le mouton noir de Bordeaux. Après avoir créé le vignoble de Valandraud, proclamé qu’il deviendrait le vin le plus cher de Bordeaux – et y réussi-, après avoir bâché ses vignes et vu son Saint-Emilion déclassé en vin de table (L’...interdit de Valandraud 2000 se trouve aujourd’hui autour de 150 euros), le Mouton noir a continué à jouer au chat et à la souris avec l’INAO et les diverses instances. Aujourd’hui auréolé du passage de Valandraud du statut de « Saint-Emilion grand cru » (généreusement accordé dans l'appellation) à celui de « Saint-Emilion 1er grand cru classé » en passant une étape à saute-mouton (race caussenarde sans doute, de type dolichocéphale), bien sûr, il peut tout se permettre.

Y compris un Bad Boy de merlot et grenache, puis de syrah, un autre de chardonnay, déclarés dans la nouvelle appellation « Vin de France ». Et puis un crémant de Bordeaux, Bad Girl. La famille s’agrandit sans cesse, notamment avec Baby Bad Boy (140 dollars à Hong-Kong, soit 30 euros). Et avec Virginie Thunevin, la fille de Jean-Luc et Murielle, qui donne son nom à un Bordeaux produit près de Fronsac.
Quelques prix en cave ? Virginie Thunevin à 9 euros, Baby Bad Boy à 10-15, Bad Boy à 15, Bad Girl à 15, 3 de Valandraud à 30, Clos Badon à 26, Virginie de Valandraud blanc à 30, Virginie de Valandraud rouge à 40, Valandraud blanc à 40, Valandraud rouge de 200 à 400.
Après une dégustation flamboyante à l’Angélus, nous déjeunons sur une place de Saint-Emilion quasiment déserte. L’église monolithe est en travaux, comme d’habitude. En bretons typiques, nous avons apporté quelques gouttes de crachin. Les poules du jardin sont des Bantam de Pékin, pas farouches, et leur coq n’est point trop jaloux.

L’accueil chez Thunevin est unique dans la semaine des Grands Crus, absolument familier et familial. Il y a des bouteilles partout, leurs vins, les vins qu’ils conseillent, les vins des copains… On goûte ce qu’on veut, mais il faut goûter La Marzelle.

Valandraud est très bon, avec une grande finesse. Virginie de Valandraud est bien sûr plus accessible aujourd’hui, sur sa rondeur et sa maturité. Le Clos Badon est discret au nez, avec du volume en bouche, mais très tannique. 3 de Valandraud est d’un abord aisé. Bad Boy est corpulent, dur en bouche (existe en syrah, chaud en bouche).
J’aime beaucoup La Marzelle, tout en rondeur ; le second vin, Prieuré La Marzelle, a une belle attaque et une bonne bouche.
J’aime bien le Clos Margalaine à Margaux, boisé, puissant, amer, long, mais le grand vin, Marojallia, me semble vraiment trop dur. Ce n’est pas la première fois ; mais je n’ai pas eu l’occasion de le goûter ensuite en bouteille.
Nous passons ensuite à tout hasard à Cheval-Blanc. Mais la semaine des primeurs est terminée et la chaîne est mise. Il n’y a plus qu’à rentrer en Bretagne. J’aurai goûté 240 vins cette année, et malheureusement fait l’impasse sur les grands Pomerol, Fronsac et d’autres. Restent les commentaires de ce que j’ai goûté, dont les articles vont s’étoffer peu à peu de renseignements techniques, et bien sûr des prix de sortie en primeur.
Crédit photos: Bleuzen du Pontavice

Bordeaux primeurs 2015 : vendredi : Angélus

Au château Angélus sont présentés les crus de la famille bien sûr, mais aussi les nombreux domaines conseillés par Hubert de Boüard. Je n’ai pas goûté ce qui est hors de Bordeaux, et pas non plus tout ce qui est à Bordeaux, faute de temps.

Angélus est très jeune, plein d’harmonie et très long en bouche et plein d’avenir. Le Carillon est riche, assez minéral terrien, excellent. Bellevue est puissant et complexe. J’ai trouvé Daugay inférieur, sur son fruit, un peu étriqué.

La Fleur de Boüard est sombre, très plein en bouche, très bon. Le Plus du même en est proche, avec plus de dureté en arrière-bouche. Tous deux sont très bons. Comme d'habitude, le premier est plus agréable jeune.

Voici maintenant quelques vins de Hubert de Boüard Consulting : Trianon (Saint-Emilion, 80% merlot, 10% CF, 5% CS, 5% carmenère, un rare cépage qu’on commence à revoir) est fin et franc en bouche.
L’Infini de Francs (sélection 100% merlot) est dense et puissant, avec de beaux tannins enrobés. Haut-Surget (Lalande-de-Pomerol (que du merlot en 2015, les cabernets ont été écartés) est délicieux, rond et lisse. Carlmagnus (Fronsac, (95% merlot, 5% CF)est fruité et facile. Lanessan (Haut-Médoc, 58% CS, 35% merlot, 7% petit verdot) a un nez curieux, avec du champignon, une bouche terrienne. Francs Les Cerisiers (90% merlot, 10% CF) est très bien équilibré, et comme d’habitude sera à pas cher. Vieux Chaigneau (Lalande-de-Pomerol, 86% merlot, 8% CS, 6% CF) est souple et raffiné. Mayne Vieux (Saint-Emilion) surprend par son nez mentholé. Roc de Boisseau (Saint-Emilion, 75% merlot, 25% CF) est boisé et finit dur. Sergant (Lalande-de-Pomerol, pur merlot) est clair, sans chaleur.


Au sud de la Dordogne, Meyney (Saint-Estèphe, 45% CS, 39% merlot, 10% petit verdot, chargé cette année en merlot) est cette année très sérieux, corsé et long. Siran (Margaux, 55% merlot, 38% CS, 7% petit verdot) est assez léger, mais joli vin. L’Aura de Cambon La Pelouse (Haut-Médoc) est vineux et corsé. La Pointe (Pomerol, 84% merlot, 16% CF) est précis, un peu pointu. La Perle de Peyrous (Graves de Mazères) est un très joli vin. Mayne-Lalande (Listrac, 60% CS, 30% merlot, 5% CF, 5% petit verdot) est charnu et facile. Le Château Laurence est un vignoble de 6 hectares sur la commune de Montussan, au nord-est de Bordeaux. Ce Bordeaux Supérieur de pur merlot est tout en finesse ; la cuvée Petite Laurence est plus courte en bouche. Dorléac (Graves, quasiment pur merlot) manque de netteté.
Crédit photos: Bleuzen du Pontavice

lundi, avril 11, 2016

La vente des Hospices de Beaune, c'est quoi?

Dans le monde du vin, la vente annuelle des vins des Hospices de Beaune est la plus renommée. Cet hôpital très ancien et d’une grande beauté, fondé en 1451, que tout promeneur en Bourgogne se doit de visiter, possède un vignoble prestigieux, somme des legs faits par des donateurs. Des vignerons sont chargés de le cultiver.

Après la vinification, les vins sont assemblés en cuvées qui portent le nom de leur(s) donateur(s) ainsi que celui de leur Appellation Protégée. Les vins de plusieurs communes ne sont pas mélangés, mais des vins de climats différents de la même commune peuvent l’être. Ainsi la Cuvée Nicolas Rolin, un Beaune Premier cru, est un assemblage de cinq climats : Les Cent Vignes, Les Bressandes, Les Grèves, Les Teurons, En Genêts.

La vente aux enchères des Hospices a lieu chaque année le troisième dimanche de novembre. On disait que le commissaire-priseur de Beaune était le plus heureux de France : il faisait l’essentiel de son produit de vente avec cette seule vente des Hospices. Depuis 2005, Sotheby’s assure cette vente transformée en évènement mondial. Elle est très médiatisée, avec un grand cérémonial, le concours de stars et l’affluence de journalistes du monde entier. On scrute les prix de vente, on note les records et on en tire des conclusions sur la valeur future du millésime. Ainsi, le prix moyen de la pièce est largement reproduit dans tous les médias.
Personnellement, je n’en ai jamais tenu compte.

Il faut considérer la réalité : les vins vendus sont des vins de l’année, dont l’élevage ne fait que commencer. La vente se fait par pièces, soit des tonneaux de 228 litres qui donneront ensuite chacun 280 bouteilles. Les acheteurs sont des négociants de Bourgogne qui élèveront chacun ses achats, les mettront en bouteilles avec les étiquettes des Hospices, et les diffuseront auprès de leur clientèle. Il peut se former des groupes de particuliers pour acheter une pièce, mais le résultat sera le même : il leur faudra un éleveur pour mener les vins à leur terme.

Comme il s’agit d’une vente de charité, les revenus servent à entretenir le domaine et les bâtiments et à aider l’hôpital, il est de bon ton de s’y montrer et d’y acheter des lots, parfois très cher. La qualité du vin est fonction de la culture et de la vinification, et bien sûr de la qualité des terrains cultivés. Mais elle dépend aussi de la qualité de son élevage par un négociant. Il n’y a donc pas un, mais plusieurs producteurs des vins des Hospices de Beaune, avec évidemment des différences de qualité.

Du point de vue spéculatif, les prix très élevés obtenus lors de la vente aux enchères ne permettent pas un achat en spéculation, puisque la plus-value est réalisée le jour de cette vente.
Ainsi le Clos de la Roche Cyrot-Chaudron 2015 s’est vendu 66750 euros la pièce de 228 litres. Il convient d’y ajouter les frais de vente. Ce tonneau produira environ 280 bouteilles, sachant qu’il faut du vin pour ouiller la barrique, qu’il faut payer l’élevage par un négociant, puis la mise en bouteilles. Le prix de revient de ce Clos de la Roche sera de 260 euros par bouteille avant l’élevage et la mise.
Pour le Bâtard-Montrachet, c’est 240 euros.

Il n’est pas possible de réaliser une plus-value sur ces vins. Par contre, il est tout-à-fait charitable d’en acheter, d’autant plus que les vins sont en général de grande qualité.

dimanche, avril 10, 2016

Bordeaux primeurs 2015 : jeudi : Smith-Haut-Lafitte

Après une dégustation passionnante à Malartic, et un peu dépité par cet incident de Rochemorin absolument dépendant de ma volonté, je nous promène dans les graves de Léognan.
Passant devant Smith-Haut-Lafitte, je me souviens qu’il n’était pas à Malartic. On y va pour faire une photo. A l’accueil on m’explique que les propriétaires reçoivent chez eux cette année, pour fêter deux anniversaires :
Le 25° millésime de la famille Cathiard.
Le 650° millésime du vignoble de Smith.

Pour l’occasion, Florence Cathiard a dessiné une étiquette inédite, noire, qui tranche avec l’antique jaune de Smith. Et qui semble poser des questions quand à l’avenir. Changer une étiquette, c’est assez courant ; changer une couleur emblématique comme le jaune de Smith, le noir de Guiraud, ou la capsule rose du Vieux Certan, c’est une longue réflexion. L’avenir dira.

Nous goûtons dans la belle salle à l’étage, vue sur les vignes, deux blancs et deux rouges, ici commentés prochainement.

Bordeaux primeurs 2015: belle plantade à Rochemorin

De retour à la maison, je repars illico avec Charles pour la dégustation du Grand Cercle à Rochemorin à Martillac. Dans cette dégustation très éclectique, il y a de tout, du connu comme du méconnu, par exemple en Graves le Château Lafargue qui est un plaisir de Graves traditionnel. Peu de voitures sur le parking, et pour cause, c'est fini depuis hier. Merde. Que faire? sinon retourner à Malartic, pour une horizontale de 5 blancs, puis de 6 rouges, très instructive.
A ce propos de Rochemorin, bu le soir un domaine de la Martinette 2014, Bordeaux de Jacques Lurton, fils d'André Lurton qui, avec La Louvière, Cruzeau et Rochemorin et d'autres, a grandement contribué à faire connaître les vins de Graves. A La Truite de Quénécan, on servait Cruzeau. Et, ce qui est toujours agréable quand on pose une bouteille sur la table, ces gens-là savent dessiner une étiquette. Pour ce qui est de la Martinette, pur merlot, c'est un vin très agréable s'il est un peu carafé. Je ne sais pas comment il est filtré, mais les deux bouteilles avaient du dépôt. Bonne affaire à pas cher. Après, on a bu Haut-Bailly 1989, évidemment c'est différent.

Bordeaux primeurs 2015 : jeudi : Pessac-Léognan

Rien de tel pour finir la journée que de goûter les Graves au Château Malartic-Lagravière avant de rentrer à la maison.
Hélas ! En ce temps de crise (mais oui), les restrictions budgétaires nécessaires (et populaires) ont conduit l’Union des Grands Crus (le marché est cuit) à supprimer le repas du dernier jour (c’est jeudi) sur tous les sites (inscrits ou pas) de dégustation (au pain sec) du millésime 2015 (au prix où on pourra les vendre, Monsieur …).
Nous aurons la chance de décrocher les deux derniers steacks à cheval à la brasserie de Léognan.

Auparavant, les graves blancs :
Pape-Clément est peut-être moins explosif qu’à l’ordinaire, il est quand même impressionnant : une robe pleine, terne, un nez bien mûr, une bouche imposante et très longue.
J’ai beaucoup aimé Larrivet-Haut-Brion, en rouge comme ici en blanc : un nez intense, une bouche grasse et très équilibré, une belle finale. Latour-Martillac en est proche, avec une coquetterie supplémentaire et une acidité prometteuse.

Tout différent, Carbonnieux reste dans la ligne des Graves sapides et buvables, avec sa robe claire, un nez vif d’agrumes, une belle finale. Picque-Caillou est plus acidulé, élégant, joli vin.

Fieuzal est fermé. Il y a beaucoup de volume, sûrement autant d’avenir. Chevalier est discret, tout en longueur, c’est courant en vin jeune. Bouscaut est clair, avec du gras, un nez simplement citronné, une bouche carrée, tannique, intéressante, la finale dure. Malartic-Lagravière est plutôt léger, Olivier plutôt carré.

Puis les Graves rouges :
Pape-Clément : beau nez de Graves, beaucoup de matière. Un Carbonnieux élégant : du fumé au nez, bouche présente, belle longueur.
Larrivet-Haut-Brion : robe raffinée, nuancée, pas très sombre, joli nez de Graves, sous-bois, gras, presque collant, note de résine, de l'ampleur et de la longueur.
Latour-Martillac : puissant, paysan, de la mâche, très bon. Soit quatre crus très différents d’expression, mes préférés ce jour-là.
Fieuzal a un beau nez de fruits noirs, du volume, pas très long en finale. Bouscaut : belle robe nuancée, nez net et boisé, souple, élégant, un peu fumé, un peu rustique (est-ce du aux 6% de malbec?), bien. La Louvière : bon Graves de sous-bois, fruité.
Chevalier : nez élégant, fruits rouges, cassis, très rond, lisse. Plus loin, Les Carmes Haut-Brion : Robe très sombre, bouche toute en finesse, bon grain, jolie longueur. Malartic-Lagravière : nez de Graves, bouche facile et équilibrée. Olivier : belle robe, bouche souple et facile. Picque-Caillou : vif et délicat, demi-corps.

Crédit photo: Martine Bleuzen du Pontavice

Parution: Les Miscellanées de la vigne et du vin

Mon dernier ouvrage aux Editions Ouest-France
94 pages, 8,90€. Primé par l'Académie culinaire de France

Quelques extraits:

ILS BUVAIENT BEAUCOUP. ILS ONT MARQUE L'HISTOIRE
Pierre Le Grand (Cahors versus ulcère), Maurice Utrillo ("un Utrillo, un litre, disait son marchand), Winston Churchill (dans un ordre quoridien immuable), Richard Nixon (fermeture à 18 heures), Boris Eltsine (blanc sur rouge, rien ne bouge)...

UN EVEQUE = UN VIGNOBLE
Quelques évêques vignerons : saint Didier à Cahors, Radbot à Dijon, saint Lambert à Maestricht, Vilicus à Metz, Théodulphe à Orléans, saint Germain à Paris, Théotolon à Tours, Paul à Verdun, Nicetius à Trêves… et saint Ermeland qui, en Cotentin, fit le prodige de faire un jour naître du vin là où il n’y avait pas de vignes.

VIN NATUREL, quelques conseils pour bien le vendre dans les salons:
- N’ayez pas l’air d’un vigneron : soyez rock’n’roll, techno ou cadre branché ;
- produisez au moins une cuvée par hectare de vigne, en soignant l’affichage des cépages, la densité des vignes, la nature des sous-sols.

SYSTEME DE NOTATION DES VINS PAR LE CRITIQUE AMERICAIN ROBERT PARKER
Un minimum de 50 points sert de base
La couleur et l’apparence comptent pour 5 points
Les arômes et le bouquet comptent pour 15 points
Les sensations en bouche et la finale comptent pour 20 points
L’impression d’ensemble compte pour 10 points
Contrairement à la notation du patinage artistique, celle-ci n’autorise pas une note supérieure au maximum prévu.

VIN NATUREL, quelques conseils pour le bien vendre dans les salons
- donnez à chaque cuvée un nom revigorant, en évitant absolument la mention de château, voire de domaine.
- n’oubliez pas de donner le nom d’une cuvée à chacun de vos moutards;
- élevez vos vins de façon inhabituelle : musique classique ou techno, amphores, sous la mer, sur une montagne;
- ne filtrez pas vos vins ; s’ils sont troubles, faites-en un argument ;
- soulignez l’originalité de vos vins, avec cette phrase type : « C’est un muscadet (ou un beaujolais, ou autre) qui n’a pas un goût de muscadet»;
- refusez de faire goûter : vos cuvées sont trop limitées ;
- ne vendez qu’avec réticences ;
- soyez cher !

samedi, avril 09, 2016

Bordeaux primeurs 2015 : jeudi : Sauternes et Barsac

Toujours un plaisir de venir au Château La Lagune, où subsiste une parcelle du travail dans un chai. Passé l’entrée nickel et les livres offerts au repos des yeux, on goûte les Sauternes et les Barsac directement dans la cuverie ; les commodités sont celles du personnel, avec les faire-part de naissances épinglés au panneau du règlement.
Crédits Photos Bleuzen du Pontavice
Les liquoreux sont très réussis. Il y manque le botrytis des années exceptionnelles, mais les vins sont très mûrs, et gardent dans l’ensemble pureté et fraîcheur. Les finales parfois un peu courte laissent supposer un épanouissement assez rapide, à l’échelle de Sauternes bien sûr. Suduiraut est mon préféré parmi ce que j’ai goûté : vineux, excellent en bouche, et une finale extra. Doisy-Daëne est corpulent pour un Doisy-Daëne, la finale est superbe. Guiraud associe puissance et longueur. Doisy-Védrines brille à l’œil, s’impose au nez et par sa bouche complexe et changeante, mais sa finale est un peu courte. La robe de Rieussec est claire pour ce cru, mais le volume et la longueur sont bons.
Un peu plus loin, Malle séduit par ses notes fleuries, mais reste un peu court. Lamothe-Guignard, robe claire, fait très jeune, très équilibré, avec une belle finale. Romer est puissant, vif, un peu court. Rabaud-Promis, très belle robe, est plein en bouche, puis un peu fluide. La plus belle robe est celle de Fargues, la suite est pour l’instant discrète. Le nez de Lafaurie-Peyraguey est précis et élégant, la bouche est plutôt légère, la bouteille est gravée d’une reproduction d’un bas-relief de Lalique pour le Pullman Express des années 1920 .
Arche, robe dorée, beau nez mur, attaque fine, ensuite plus léger. Le nez de Myrat est facile, acidulé, le vin est rond et peu concentré. Un peu plus loin, Filhot est clair, délicat au nez, longiligne et fin. Le Clos Haut-Peyraguey est discret de nez, plein en bouche, mais court. Romer du Hayot, après une jolie robe, est simple et un peu mou. Bastor-Lamontagne, assez gras, a un nez fin d’agrumes. Broustet est puissant et classique, on peut y croire. Coutet plait beaucoup, je suis désolé de l’avoir goûté plutôt simple, à revoir donc. Rayne-Vigneau, comme jadis, manque de nuance. Comme Sigalas-Rabaud, dont j’aime la robe d’un jaune franc et profond. La Tour Blanche semble dilué. Lamothe-Despujols est marqué par la mollesse.

Bordeaux primeurs 2015 : jeudi : Citran, les Médocs

La journée commence au Château Citran pour les Médocs de l’UGC. Une fois de plus, je n’aurai pas le temps de tout goûter. Chaque année je place les quelques mêmes en queue de liste, je passerai sans doute à côté d’une bonne surprise, tant pis. Contrairement aux grands vins de l’année, le paon refuse de faire la roue pour l’appareil.
Les assemblages annoncés sont bien sûr ceux du millésime 2015.
Poujeaux ( 50% CS, 42% merlot, CF, PV et 30% de bois neuf) m’impressionne, dur au nez, souple en bouche, ferme en finale.
La Tour Carnet (60% merlot, 35% CS, 4% CF, 1% PV, 30% bois neuf, élevage partiel en cuves micro-aérées) est bien plus ouvert, sphérique en bouche.
Lamarque (50% CS, 40% merlot, 10% PV) a un joli nez de cacao, il est délicieux.. si jeune.
Camensac (57% cs, 43% merlot) est dans son style, très bien fait, rond sans aspérités, bref moderne.
Maucaillou (55% CS, 40% merlot, PV) est très mûr au nez, frais de bouche, linéaire en finale.
Belgrave est franc et généreux avec un bon grain.

Plus loin, Cantemerle (59% CS, 27% merlot, 8% CF, 6% petit verdot, 40% bois neuf) est plein d’élégance, mais finit bien dur. La Lagune (60% CS, 35% merlot, 5% PV) me déçoit : clair, fin de nez et de corps, assez étroit. Chasse-Spleen (50% CS, 42% merlot, PV et CF) est doux et velouté, dans un format léger. Citran (56% CS, 38% merlot, 6% CF) est rond et équilibré, facile. Coufran ( "Le Pomerol du Médoc", 85% merlot, 15% CS) est marqué par ses merlots, touches de chocolat, rond, belle finale. La Tour de By (60% CD, 35% merlot, 5% petit verdot) est discret au nez comme en bouche. Je n’aime pas Clarke (70% merlot, 30% CS) : robe sombre, nez simple, bouche amère, finale acerbe. Je n'ai pas goûté d'autres vins de Listrac.
Crédit photo: Martine Bleuzen du Pontavice

Bordeaux primeurs 2015 : mercredi : crus bourgeois

Au château d’Arsac, passé le parc qui est très chouette et le château dédié à l’art contemporain, c’est comme chaque année la dégustation la plus éprouvante, celle des crus bourgeois. En petit millésime comme 2013, c’est un pensum dont on ressort le palais asséché.
Je n’ai pas pu faute de temps goûter grand-chose des 300 vins présentés. Je me suis contenté de ceux que je connais, de quelques nouveautés, et pour commencer des crus dont l’assemblage est fort en petit verdot et comprend parfois un peu de malbec ou de carmenère ; mais pour la plupart ce sont des vins à l’ancienne, pas toujours bien définis.

Voici une petite sélection. Sauf si l’appellation est précisée, ce sont des Médoc ou des Haut-Médoc :
Je ne connaissais pas le Château Caroline, un Moulis lié au Château Lestage (famille Chanfreau). C’est un beau vin noblement boisé, d’un beau grain, de bonne longueur.
Tour du Haut-Moulin est très bien, corpulent. Fleur La Mothe a un nez intense de vanille, la bouche est en retrait. Pontet Barrail, une belle robe, un nez vif, une bouche souple et longue. Belle-Vue est plein et coloré avec une belle finale. Deyrem-Valentin (Margaux) a un beau nez, la bouche est lisse et ronde. Tour Castillon est clair, avec un bon boisé et de la longueur. Maucamps est agréable, sur son fruit. Larose Perganson est réussi, avec une bouche ferme.

Voici maintenant quatre Margaux assez proches, du moins sur mes notes chiffrées : La Fortune est un beau vin, avec une excellente finale ; Haut Breton Larigaudière est un joli vin, souple et facile ; Pontac-Lynch est assez ferme ; un cran en-dessous, Paveil de Luze a un bon boisé, la finale est un peu faible.

Sacrifiant à la mode consumériste du « vin assemblé par l’acheteur », je me suis permis un verre assemblant ces quatre crus. Le résultat dépasse mes espérances, car il est meilleur que chacun de ces quatre crus : un beau nez vineux, surtout une fermeté et une rondeur en bouche supérieures. Me voilà Winemaker !

Un cran en-dessous, Cissac commence par un beau nez mûr, mais finit court. La Garricq (Moulis) est fin et souple. Gironville a de la rondeur. J’ai donné une note médiocre à Charmail, c’est peut-être injuste, le vin est fruité et la finale longue et sèche. Castéra est déjà évolué, avec de l’amertume. Bellevue de Tayac est fin, mais froid en bouche, froid comme l’estey éponyme de mon roman Margaux Interdit. Cambon La Pelouse, derrière une belle robe, se révèle léger. Clément Pichon manque de netteté. Laujac est facile. Du Taillan est léger, mais la finale n’est pas mal. J’ai aussi goûté Arsac, Les Trois Manoirs, Fontesteau, Saint-Aubin, Lacombe-Noaillac.

Une question me taraude depuis hier : à l’entrée de Margaux, face à la banderole mensongère qui annonce que Margaux est le vignoble le plus célèbre au monde (et le Champagne, alors ?), le café L’Indigo annonce sur la liste légale des consommations un « vin ordinaire au verre » à 2,50 euros. Clin d’œil, ingénuité, je-m’en-foutisme ? Nous décidons de tenter l’aventure, et je le goûte sur la terrasse, avec Palmer en fond d’écran. J’en bois même une lampée, puisque la journée est finie. J’ignore à qui sont les vignes qui ont recueilli ce liquide imbuvable. Quand je pense à tout ce que j’ai craché de si bon aujourd’hui !
Crédit photo: Martine Bleuzen du Pontavice

Bordeaux primeurs 2015 : mercredi : Margaux

Le chai du Château du Tertre est sombre, ce qui est flatteur pour les vins, mais pas toujours facile pour les juger. Dans un millésime où les cabernets sont grands, les Margaux m'ont paru inégaux, les meilleurs et les moins bons de l'ensemble des quatre grandes appellations du Médoc. Bien entendu, les assemblages que je donne, recueillis par Bleuzen, sont ceux du millésime 2015, sinon ils n'auraient aucun intérêt. Parmi les Margaux, pour moi, un duo de tête : Kirwan (50% CS, 35% merlot, 10% CF, 5% PV), tout en force, complexe, très long, et Cantenac-Brown (61% CS, 39% merlot) très généreux. Ce sont de beaux vins de garde.
Du Tertre, Ferrière (63% CS, 33% merlot, CF et PV) et Monbrison forment un beau trio de vins typés Margaux ; le premier sombre et très jeune, le second fin, floral, vêtu d’une robe chatoyante, le troisième riche et fleuri.
J’aime ensuite Angludet (50% CS, 40% merlot, 10% petit verdot), sombre, souple en bouche, avec son amertume de jeunesse.
Giscours (70% CS, 25% merlot, 5% petit verdot), pas très dégrossi, généreux et terrien. Dauzac ((72% CS, 28% merlot) tout en finesse et Malescot sur le fruit. Desmirail (60% CS, 35% merlot, 5% petit verdot), facile.
Un peu plus loin, Labégoce (50% CS, 44% merlot, PV et CF) a du creux en bouche. Rauzan-Gassies, pas très mûr, me déçoit par rapport à 2010 et, toutes proportions gardées, 2011 et 2012. Prieuré-Lichine n’est pas mal, Marquis de Terme assez fluide, Siran clair, boisé et dur.
On se presse pour goûter Brane-Cantenac ( 70% CS, 26% merlot, cabernet-franc carmenère), une révélation du millésime ; mais nous l’avons goûté comme un bon vin, sans rien qui le mette en tête. Le second vin, Baron de Brane, privilégie les merlots. Rauzan-Ségla avait un nez pointu, une bouche incisive, un charme léger.

Est-ce pour fêter ce millésime joyeux, ou pour renfrogner quelques vieux Chartrons que le chai est pavoisé de peintures enfantines? En tous cas, cela fonctionne.
Crédit photo: Martine Bleuzen du Pontavice

Bordeaux primeurs 2015 : mercredi : au Tertre

Crédit photo: Martine Bleuzen du Pontavice
Le château du Tertre est en reconversion en biodynamie, vaste entreprise quand on cultive 50 hectares. Nous somme accueillis par deux représentants de la race de Giscours, sauvée de la disparition grâce notamment au vigoureux taureau Byzance, avec qui je fais mon 2° selfie.
Sera-ce le dernier ?

Ici on ne craint pas de cirer les pompes à la presse.
La dégustation de l’Union des Grands Crus est celle des Margaux.

vendredi, avril 08, 2016

Bordeaux primeurs 2015 : mercredi midi : déjeuner

L’art de déguster à l’Union des Grands Crus, c’est aussi l’art de choisir où déjeuner. Hier nous sommes passés à Gruaud-Larose en fin de service. Les restes étaient de beaux restes. Le repas était assuré par le restaurant Le Saint-Julien, de Saint-Julien. Plus tentateur qu’un traiteur. Revenant de Saint-Estèphe vers Arsac pour goûter les Margaux, nous faisons logiquement halte à Gruaud-Larose.

Le buffet est superbe et raffiné : des huîtres, une salade de légumes anciens, nos premières asperges de printemps… Tout ce qui peut l’être et doit l’être est déglacé au rouge de Gruaud. Le maigre (un gros poisson d'ailleurs un peu gras) est très bien cuisiné.
Sur table, un vin blanc de Malagar (près de Langon, Mauriac bien sûr) de 2011 dont on apprend que la vigne appartient au propriétaire de Gruaud. Très bon, pas un Graves, autre chose, assez charnu. Et un délicieux Gruaud 2003 bourré de parfums. On peut boire les 2003.
Pour Bleuzen, en 20 ans de primeurs, c’est sans doute le plus beau buffet (pourtant, Desmirail...). Donc elle va remercier le chef du Saint-Julien. Et nous partons pleins de reconnaissance vers le Château du Tertre.
Crédit photo: Martine Bleuzen du Pontavice

Bordeaux primeurs 2015 : mercredi matin : Lafon-Rochet

Dégustation des Saint-Estèphe puis des Pauillac.
Pour les premiers, courte délégation, mais tout est bon. Cos Labory est corsé mais frais. Les Ormes de Pez et Phélan-Ségur sont rond et pleins, abordables. Pez et Lafon-Rochet sont sur le fruit, charnus, un peu courts.

Le niveau des Pauillac ( 12 vins) est très élevé. Les cabernets sont de grande qualité.
Grand-Puy-Lacoste, Pichon-Baron et Pichon-Comtesse ont des nez nobles, une grande structure, une finale longue. Beuzen retrouve une dame de Pichon-Comtesse chez qui nous avions fait il y a 17 ans un reportage pour La cuisine des châteaux du Bordelais. On évoque le repas des accabailles ce jour-là avec la Générale de Lencquesaing (c'est-à-dire la gerbaude. Le repas des vendanges, quoi!).

J’aime bien Batailley dans un style plus léger. Lynch-Bages, le plus coloré, est dominé par un nez vanillé, très plein en bouche avec un peu de rusticité. Clerc-Milon aussi est un poids lourd avec un corps concentré. Lynch-Moussas est plus léger et d’un beau fruit.

Un peu plus loin à mon goût, Armailhac a un nez fruité intense, une bouche douce, de petits tannins avec de l’amertume de jeunesse. Grand-Puy-Ducasse est fin, avec un joli nez de sous-bois. Haut-Bages-Libéral semble moins mûr. Croizet-Bages est clair, fruité, d’abord et de fin faciles.
Crédit photo: Martine Bleuzen du Pontavice

jeudi, avril 07, 2016

Bordeaux primeurs 2015: mercredi matin: Bages

Mercredi matin : Bages
Nous commençons par visiter le village de Bages près Pauillac.
Derrière le château Lynch-Bages, c’est un vrai village français qui doit ravir les touristes étrangers. Le boucherie propose du bœuf de Bazas et de l’agneau du Mont-Saint-Michel. Au bazar, on trouve de tout, y compris mes Miscellanées du vin.
J’achète le livre de Monsieur Jean-Michel Cazes – son bureau est juste à côté et j’ai droit à une dédicace de ce grand monsieur.
Tiens ! Les bureaux du château La Bécasse sont ici. Ce cru migrateur dont j’ai déjà parlé s’est donc posé sur le plateau de Bages.
Crédit photo: Martine Bleuzen du Pontavice

Bordeaux primeurs 2015: mardi à Gruaud-Larose

Bon accueil, une tour moderne s’est dressée en acier brossé, du haut de laquelle on voit au-delà de la rivière. On a raté le déjeuner, on y reviendra demain sûrement.

Saint-Julien est représenté, maigrement. L’Union des grands crus comprend les crus classés, dont un certain nombre ne daignent pas s’abaisser aux dégustations de terroir, le premier étant Las-Cases (grand vin tannique et abrupt dans sa bouteille comme la réception au domaine), et quelques-uns des meilleurs bourgeois.

Toujours à la pointe de la nouveauté, j'ai fait mon premier selfie.
Mes vins préférés :
Lagrange. Robe sombre, nez charmeur, du volume, profond, belle longueur et beaux tannins
Langoa-Barton : Robe claire, nez fin et intense, en bouche pas corsé mais très défini, finale très longue, très fin
Gloria : Robe sombre, nez de barrique, fruits rouges, attaque agréable, bouche arrondie et fraîche, soyeux, belle finale, un régal
Branaire-Ducru : Bonne attaque, bon grain, fruité
Léoville-Barton : mal noté comme d’habitude. Tellement jeune
Beychevelle : Clair, doux, finale amère, pas au niveau
Un niveau d'ensemble très élevé pour ces 2015.
Crédit photo: Martine Bleuzen du Pontavice

mardi, avril 05, 2016

Bordeaux primeurs 2015: lundi, Villemaurine

Départ avec Bleuzen pour Saint-Emilion.
Cette année, l’Union des Grands Crus ne commence que le mardi. Nous allons goûter les grands crus classés au Château Villemaurine. Comme d’habitude l’accueil est superbe. Je m’enferme dans le « bocal » des journalistes peu fréquenté ce matin.


2015 a une excellente réputation, mais on craint des degrés d’alcool trop élevés, comme souvent.
Petit rappel : les 2012 étaient assez légers, de semi-garde, et on en boit déjà de délicieux. J’avais été globalement déçu par les 2013 : petite récolte souvent mal triée, avec des raisins pas sains. Je ne les ais pas (encore) chroniqués, il faudra bien le faire. J’ai fait l’impasse sur 2014, car il y avait un lac à vider en Bretagne : Guerlédan, 300 hectares au-dessus de feu le Canal de Nantes à Brest, et nous avons sorti six livres pour l’occasion. Donc pas du tout du temps de temps pour les primeurs ; c’est bien dommage.

Ma première impression est que ces 2015 sont puissants, avec souvent des finales dures.
Voici quelques premières impressions à Saint-Emilion :
J’ai beaucoup aimé Ripeau : riche et plein, un quelque chose de Pessac.
Le Châtelet : sombre, aux arômes de fruits noirs, bien tannique
La Fleur Morange : bonne vanille, plein et sérieux
Sansonnet : du gras, assez rustique
Fonplégade : bon vin dans un registre bien plus frais
Grand Pontet : curieux nez incisif, de la longueur, dur, prometteur
Destieux : joli vin, clair, une touche de cacao au nez, très long, délicieux
La Dominique : gras, chaud, puissant, fruité, très bon
Cadet Bon : sur la fraîcheur
Ferrand : dur et carré, prometteur

Ensuite, dans l’ordre mais à préciser : Jean Faure, La Marzelle, Balestard, Fombrauge, Dassault, La Couspaude, Soutard, Laroze, Pressac (un caillou !), Grand-Corbin-Despagne, Petit Faurie de Soutard.

Puis Faurie de Souchard, Larmande, Laroque, La Serre, Péby-Faugères, Fonroque, Yon-Figeac (féroce !).

Puis, tous avec quelque chose qui me dérange, Faugères, Clos La Madeleine, Côte de Baleau, La Commanderie, Cap de Mourlin, Fleur Cardinale, Franc Mayne, La Tour Figeac, Clos Saint-Martin, Barde Haut, Haut-Sarpe, Villemaurine, Clos des Jacobins, Corbin, Chauvin.
C’est loin d’être dans l’ordre de la hiérarchie établie. Très bon niveau dans l’ensemble, vins de garde.


A Pomerol, j’ai trouvé dans l’ensemble les vins très durs, amers, avec des finales rèches. On va y repasser pour goûter les plus grands.
Bel-Air est très bon en tout.
Petit-Village, vin complexe, de garde.
Feytit-Clinet est encore bien dur
Rouget, de la chaleur, très vineux, très bon
Vray Croix de Gay, un peu terreux, terrien donc, très bon
Puis Taillefer, Le Gay, Maillet, La Cabanne.

Puis Clos René, Fayat, Les Templiers, La Tribune (le vin des turfistes, que je ne connaissais pas), Le Moulin (bonne note de Quarin, notre bouteille était franchement diluée), La Renaissance.
C’est tout pour aujourd’hui !
Crédit photo: Martine Bleuzen du Pontavice