Le blog de Gilles du Pontavice, expert en vins et éditeur
du site d'estimation de vins VinorumCodex.com
Index thématique des articles
jeudi, mai 10, 2007
Bourgogne vieilles vignes
Je reste suspicieux devant toutes ces "vieilles vignes" qui apparaissent sur les tarifs sans qu'on n'en connaisse l'âge.
Les primeurs en 2006 ( une astuce dans le titre)
SPECIAL PRIMEURS (1)
VinorumCodex fournit déjà les prix de vente en primeur de 520 crus de Bordeaux, disponibles sous forme d’un fichier xls sur simple demande accompagnée de votre identifiant d’abonné.
520, déjà ?
Ben oui, mais ce sont les prix du millésime 2005. Car, vous l’aurez remarqué, il est difficile de rechercher les prix des primeurs 2006, tant est grande la pression à vendre encore du 2005, ce « Tanguy » qui ne veut pas partir, alors qu’il devrait être payé et introuvable et surtout pas destiné à atterrir dans les foires au vin de l’automne.
J’ai donc examiné le tarif auquel sont vendus aujourd’hui 240 crus de Bordeaux 2005 en les comparant au tarif moyen lors de la campagne du printemps 2006. C’est un peu compliqué, je sais, mais l’objectif est de savoir si ces 2005, annoncés comme exceptionnels, étaient devenus introuvables. Ma première surprise : Cheval-Blanc, auquel Parker donne un 96-100 sur 100, est encore en vente, et au même prix qu’il y a un an !
D’autres vins sont épuisés. Sans faire le tour de toutes les maisons de vente, je relève : Ausone, Beauséjour-Duffau, Bellevue-Mondotte, Berliquet, Branon, Clinet, Clos des Jacobins, Fleur-Cardinale, Gazin, Grand-Corbin-Despagne, Gruaud-Larose, Kirwan, La Mission-Haut-Brion, Lafleur, Larcis-Ducasse, L’Arrosée, Latour, Le Gay, Le Pin, L’Eglise-Clinet, Léoville-Barton, Margaux, Pavie-Decesse, Pavie-Macquin, Rouget, Tertre-Roteboeuf, Troplong-Mondot, Domaine de L’A, La Chapelle d’Ausone, La Petite Eglise.
Soit 30 crus sur 240, dont un certain nombre sont en quantité confidentielle. Il y a donc encore 88% des vins qui sont proposés sur le marché. Et plus : en cherchant un peu, on trouve facilement Margaux au prix de l’année dernière. Pour Ausone, c’est plus dur : compter 1.800 euros TTC la bouteille. Et pour Petrus, en prévoir 3.000.
Voici le résultat de ce petit exercice sur mes 210 crus rescapés :
110 sont en vente au même prix que l’an dernier, ou avec une augmentation négligeable que j’ai fixée à 3% pour tenir compte de l’inflation.
65 sont en légère augmentation, de 4 à 10%.
28 ont augmenté de 10 à 20%.
Restent 8 pour lesquels je trouve une augmentation supérieure :
La Fleur de Boüard, plus 21%.
Haut-Brion rouge, plus 22%.
Lagrange, plus 23%.
Branaire, plus 33%.
Pontet-Canet, plus 36%.
Chasse-Spleen, plus 46%.
Pavillon Rouge, plus 59%.
Les Forts de Latour, plus 62%.
De tout cela, je ne tire aucune conclusion définitive. Attendons les livraisons des vins, et on verra bien à quel prix ils s’établissent.
SPECIAL PRIMEURS (2)
Mais si, VinorumCodex donne aussi les prix des primeurs 2006 ! A ce jour, 370 crus différents et très bientôt plus de 400. Comme l’année dernière, il y en aura plus d’un millier dans cette campagne.
J’ai remarqué des hausses très sensibles sur les grands Bourgogne. J’attends d’avoir un échantillon plus large pour établir quelques statistiques de comparaison entre 2005 et 2006.
D’ici là, bonnes recherches et bonnes dégustations.
Gilles du Pontavice
Expert en vins.
mercredi, avril 18, 2007
Le vin de Bretagne (3)
Bon, d'accord, on n'est pas chez Thunevin, mais ça c'est un vrai vin de garage!
A noter une particularité bien bretonne: le pressoir sert aussi à faire du cidre, c'est d'ailleurs son premier usage. Les raisins sont foulés grossièrement, puis passent sur une table de tri qu'on voit au second plan. Ils sont cuvés dans de petites cuves en résine. Pour démarrer les fermentation, caisson isolé et radiateur électrique. Monsieur Donnio cultive le Maréchal Foch et le plantet, deux hybrides, pour en faire du vin rouge et du crémant. Il ne prétend pas faire un grand vin, mais un vin correct, et de toutes façons "on s'y fait à son vin, on finit par le trouver bon."
Pourquoi le Maréchal Foch, un hybride? Parce que comme ça, on ne peut pas le comparer à autre chose, du genre " il est moyen votre gamay"!
Problème dans nos campagnes bretonnes: les oiseaux. Alors il recouvre ses vignes avec des filets à palourdes ( autre production très convoitée).
Ca fait rigoler, sûrement, les grands amateurs et les producteurs mieux lotis que chez nous. Mais l'idée de ce pett vignoble du Centre-Bretagne est née avec le concours de Michel Chapoutier. C'est pas rien!
Le vin de Bretagne (2)
Dégustation des vins bretons avec le concours éclairé de Guy Bossard.
Cette association a pour fondateurs l'écrivain Gérard Alle, qui a publié un ouvrage intitulé "Le vin des Bretons", Laurence Zigliara, Ethno-psychologue, et Pierre Guigui, auteur du guide GaultMillau Vin. Dans le livre de Gérard Alle, on trouve des histoires incroyables de chasse-neiges précédant des camions pinardiers pour assurer le vital ravitaillement, ainsi que d'autres surprenantes sur le petit-déjeuner des ouvriers des arsenaux...
A la lecture de ce livre, plein de gens lui ont téléphoné: "Je fais du vin - Moi aussi", et il est apparu qu'ils sont bien plus nombreux qu'on ne le pensait. Alors on s'organise, on échange des tuyaux, et on fait appel à des spécialistes. Et voici l'Association pour le Renouveau des Vins de Bretagne (A.R.V.B], avec pour slogan « Bevet gwin vreizh! ». Tout cela est encore bien amateur, et alors? On fait comme on veut, et j'ai bien l'intention de planter quelque chose cet automne ( je rêve de chenin blanc sur mes très vieux sols de schistes briovériens).
Le vin de Bretagne
26 septembre 2057:
ls vendanges sont presque partout terminées en Bourgogne. Le moût rentré est très sain et devrait donner de beaux vins charpentés. A Vosne-Romanée, le mourvèdre est magnifique quoiqu'un peu chaud, plus de 14° d'alcool en moyenne. Les grenaches sont un peu mous, mais l'assemblage devrait faire un grand vin. Le maître de chai qui me reçoit me fait goûter les deux vins juste pressés, et les deux millésimes qui s'arrondissent en barriques. Tout ça est très bon. Et puis, un peu en s'excusant, il me propose de goûter un 2001 vinifié par son père. J'ai entendu parler de ces vieux bourgogne qui étaient faits avec du pinot noir. Un cépage que je connais, bien sûr, et qui donne de très beaux vins veloutés en Centre-Bretagne et dans le Pays de Galles. Pas mal, très rond et fruité, mais quand même bien léger par rapport aux Bourgogne d'aujourd'hui.
"Vous savez, me dit-il, je ne regrette pas que la génération de mes parents aient du arracher le pinot. Ca manquait de corps, quand même. Et puis, de toutes façons, on n'avait pas le choix".
Hé oui, on n'avait pas le choix. Quand le délicat pinot noir s'est mis à se gorger d'alcool sous le soleil brûlant qui a envahi la Bourgogne, quand on s'est rendu compte que même en vendangeant au 15 août le vin était trop alcoolisé, et quand la vigne a arrêté de s'arrêter l'hiver pour s'épuiser à tourner en boucle, la végétation reprenant dès novembre. Il fallut acccepter l'évidence: après des siècles de présence en Bourgogne, le pinot noir n'y avait plus sa place. Alors on a remonté de Provence les cépages qui ne pouvaient plus y survivre, brûlés par la chaleur. Et le pinot noir a migré vers le Nord, faisant la fortune des vignerons luxembourgeois. Mais il commence déjà à y avoir trop chaud. Les vignobles anglais ont beaucoup d'avenir.
Rassurez-vous, ce n'est qu'une fiction. Mais le fait est que le réchauffement climatique est en cours. Et l'augmentation du taux d'alcool moyen est une réalité. Quant à cette histoire de vigne qui ne se repose plus l'hiver, c'est une réalité dans certains vignobles de Californie.
Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Dimanche dernier, réunion de l'association des vignerons bretons. Pas les professionnels du muscadet et du gros-plant, mais les amateurs qui ont quelques pieds de vigne pour le plaisir. Il y aura prochainement un compte-rendu sur le blog:
[vigneronsbretons.over-blog.net]
On a eu une conférence de Guy Bossard qui connaît bien nos sous-sols parmi les plus anciens de France. Puis on a goûté diverses productions, dont:
du Maréchal Foch qui est un hybride teinturier ( visite du vignoble sur la photo en haut de l'article). Le vigneron en fait un vin rouge costaud et rustique. Et aussi du crémant!
Un très bon vin demi-sec fleuri fait avec des vignes non identifiées.
Un joli pinot noir, plutôt rosé à vrai dire.
Du chardonnay acceptable.
Et d'autres imbuvables, essentiellement par une mauvaise vinification, tout cela est fait dans des garages et pour le plaisir. Il semble que le principal problème n'est pas trop le froid, il y a désormais moins de gelées tardives surtout près des côtes, mais l'humidité donc le mildiou et l'oïdium.
Des vins de garage donc. A suivre, la visite du garage.
jeudi, avril 12, 2007
J'attends mes primeur, J'élève mes primeurs

Ces deux nouveaux ouvrages pratiques et disponibles en souscription, publiés par deux éditeurs différents, mettent en lumière les caractéristiques profondes de l'acte de conclure une "transaction" en primeur. Une "transe-action" en effet, car cet acte est à la fois une action au sens kantien du terme ( quoique...), j'agis, j'évolue, je me construit en construisant ma cave, et une transe, où l'on trouve autant la peur de manquer, la ruée pour être-le-premier-servi ( comme à la cantine), un état second qui nous entraîne loin du rationnel, qu'une danse propriatoire exécutée à l'intention de celui qui peut satisfaire le voeu ( en l'occurence, le propriétaire de Pomerol).
Dans J'attends mes primeurs, tout découle du début: avant il n'y a rien, pas de souvenirs, que des bruits confus. La gestation du millésime, on le sait, obéit à des règles assez générales. Pour l'acheteur, se succèdent dans l'ordre la météorologie de l'année dont il n'a qu'une vague idée - les premières revues de presse annonçant "qu'on a vendangé les Graves blancs en août" - puis vers novembre l'annonce par la presse généraliste d'un millésime exceptionnel, voire jamais vu depuis 1893 - enfin en mars quelques signes annonçant qu'il y aura des dégustations en avril. Tout cela ne sont que des prémices.
La conception des primeurs aura lieu dans un savant ballet, d'avril à juin. C'est là qu'intervient la transe dont nous parlons plus haut. Elle tient au concept de "prime-heure": si je ne suis pas sur les rangs à la prime heure, ce sera trop tard tout-à-l'heure. Mais la prime-heure n'annonce pas son heure. D'où cette angoisse permanente de l'attente. D'où cette veille permanente de l'intellect, source de névroses et d'insomnies.
L'achat effectué, l'angoisse devrait normalement retomber. Il n'en est rien: d'autres questions viennent se rajouter aux questions: serai-je livré? Est-ce que j'ai fait des économies? Est-ce que le vin sera bon? Est-ce qu'il sera moins cher en FAV (Nous n'avons malheureusement pas pu découvrir la signification de ce sigle réservé aux initiés)?
D'autant plus que la structure linéaire du système des primeurs se complique depuis quelques années d'une superposition de couches qui accroît l'anxiété. En témoigne ce discours relevé dans le cabinet d'un primanalyste réputé:
"Je ne sais plus quoi faire. Tout me dit que je dois acheter des 2004, bien que les vins soient chers et le millésime moyen; tout - car il faut que j'achète des primeurs chaque année. En même temps, quand je vois que Cheval-Blanc 2003 est encore en vente primeur avec une augmentation négligeable, j'ai bien envie d'en prendre; je n'en avais pas pris l'année dernière, car je trouvais ça trop cher. Mais c'est peut-être un meilleur rapport qualité-prix que les 2002, bien que ça soit bien plus cher que les 2001 de l'hyper d'en face. Je pensais financer les 2004 en revendant un peu de 2000, mais ils valent la moitié d'en primeur, on dirait des 1997!..." etc,etc... Une logghorée préoccupante et qui touche de plus en plus de patients, à laquelle le thérapeute ne peut pour l'instant apporter qu'une écoute attentive, sans proposer de solution.
J'attends mes primeurs, Editions de l'Expectative, 120 pages, présenté en coffret bois. Livraison au premier semestre 2007. Tarif de souscription: jusqu'au 30 juillet 2005: 30 euros. Du 30 juillet 2005 au 30 juillet 2006: 35 euros. Du 30 juillet au 31 décembre 2006: 40 euros. En librairie début 2007: 20 euros.
J'élève mes primeurs est un ouvrage sensiblement différent, s'il aborde le même processus. On peut le lire comme un thriller où se succèdent les coups de théâtre. L'objet psychanalityque repose sur la fixation. On connaît depuis Freud le caractère de la fixation. Il s'agit ici de la fixation des prix de sortie des primeurs, selon un process complexe où l'affirmation de l'ego tient une part dominante. "Si mon prix est bon, je vends bien mon vin et je suis considéré; si mon prix est trop élevé, je ne vends rien; si mon prix est trop faible, les voisins se foutent de moi". L'enjeu est vital. Le "prix-meurt" ne donne qu'une seule chance. Sa fixation obéit autant à la logique qu'à l'intuition.
Ensuite, c'est l'élevage proprement dit. Pour ça, on fait comme d'habitude.
J'élève mes primeurs, collectif, Fédération de l'Agriculture et de l'Elevage, 12 pages, présenté en coffret bois. Livraison au premier semestre 2007. Tarif de souscription jusqu'au 30 juillet 2005: 30 euros. Sera sûrement épuisé ensuite.
mardi, avril 10, 2007
Les primeurs 2006, quelques notes de dégustation
Quelques 2006 goûtés en primeur, classés par appellation et par ordre de préférence.
Les Bordeaux blancs
Fieuzal, excellent, très gras. Malartic-Lagravière, très différent, du bon sauvignon, fruité, avec un bon soutien acide. Larrivet-Haut-Brion, du gras, mûr, pas très plein en milieu de bouche. La Louvière, franc, minéral, de l’acier ! C’est mon quarté gagnant.
J’ai aussi beaucoup aimé les vins suivants : Château de France, complet et incisif. Pape-Clément, très jeune, dur, tannique, de longue garde. Chevalier, encore discret mais d’avenir. Latour-Martillac, clair mais complet, de garde.
Un degré en-dessous, Smith-Haut-Lafitte, très gras et démonstratif. Bouscaut, vanillé, assez mûr. Rahoul, boisé, dur, un peu mou en même temps ! Haut-Bergey, un fumé intéressant, assez mou, boisé. Chantegrive Cuvée Caroline, sur le bois, un peu court. Olivier, du gras, un peu court. Carbonnieux, fin mais encore bien discret. Marjosse, pas mal, fin, un peu court. Hostens-Picant, Cuvée Demoiselles, commence bien mais finit bizarrement.
Saint-Emilion
Balestard-La-Tonnelle, surprenant, excellent complet, bonne acidité. Pavie-Macquin, en poids lourd, gras, coloré, accrocheur, très long. Troplong-Mondot, lui aussi noir, gras, chaud, très plein pour un 2006. Figeac, pas le mieux noté mais mon préféré, avec un superbe velours en bouche. Fonroque, excellent, de l’alcool, du fruit et une belle longueur. Valandraud, long et raffiné. La Dominique, ferme et de bel avenir. La Couspaude, en costaud, fruité et puissant. Trottevieille, clair, très long, raffiné, manque de fruit. Clos Fourtet, sombre, acide, une très bonne chair. Clos Badon Thunevin, excellent. Grandes Murailles, velouté, très bonne chair. Tout ça m’a beaucoup plu, dans des registres différents : sur la finesse, ou en puissance, ce qui était dur à assurer cette année.
Ensuite, Grand-Mayne, très bien, longue finale, un peu trop d’alcool. Cap de Mourlin, belle robe, costaud, bons tannins. Trianon, riche, boisé, peu de nerf. Pas de L’Ane, bon vin, lisse et soyeux. Clos des Jacobins, sérieux, élégant, bon élevage. Franc-Mayne, mal défini au nez, mais délicieux, très fruité. La Gaffelière, clair, peu concentré mais très bon, fin. La Tour Figeac, coloré, bon grain, moyennement corsé. Péby Faugères, corsé, du café, finale puissante, plus fort que fin. Grand Pontet, vineux, des notes animales. Sanctus, sombre, velouté, très bon. Bélair, clair, fin, long, sec, bref Bélair. Sansonnet, muet mais carré, très attrayant. Beau-Séjour Bécot, pas très coloré, longueur moyenne, frais, un peu sec.
Puis Riou de Taillas, mûr, assez rond, belle finale. Grand-Corbin-Despagne, un peu maigre mais très long. Canon-La-Gaffelière, encore de l’amertume, belle finale, mais une déception ( à ce stade). Fleur Cardinale, bien, une certaine froideur pas malvenue. Patris, fruité, très vineux. Berliquet, assez clair, un peu chaud. Larmande, des fruits rouges, pas très concentré, finesse. Ferrand Lartigue, nez floral, mais charnu, chocolaté, un peu lourd. Angélus, très belle robe, chaud, de l’allonge, très apprécié, je l’ai pourtant goûté deux fois, à revoir.
Puis Franc-Maillet Cuvée Jean-Baptiste. Larcis-Ducasse, un peu fluet, ce n’est pas du 2005. Laniote, bon, soutenu. Côte de Baleau, boisé, finale longue et soutenue. Barde-Haut, vif et sec, à revoir. Jean Voisin, gras et lisse. Dassault, très serré, amer. Chauvin, vineux, mais fluide. La Clotte, un boisé léger, goût métallique. La Commanderie, léger, une belle finale. Destieux, nez de pruneau, bon grain, demi-corps. Villemaurine, noblesse du terroir, mais sèche. Ripeau, bien, mais un peu amer. Clos La Madeleine, joli nez de rose, assez vif.
Puis Franc Grâce Dieu, fruits rouges, dur et un peu terreux. La Fleur d'Arthus, dur, mais du potentiel et du fruit. Boutisse, nez de cerise, fruité correct. La Grangère, plutôt vert. Quinault, puissant, mais manque de centre et tend à sécher. Bellefont Belcier, nez prometteur, coulant. La Marzelle, fermé, rêche et court mais prometteur. Pressac, fruité, mûr, vif, mais dilué. Saint-Georges Côte Pavie, sec et assez court. Le Fer, fruité, souple, finale gourmande. La Gomerie, fin mais étroit. Fombrauge, très bon sans compication. La Fleur, robe chatoyante, nez frais, strict, un peu vert. Rochebelle, de la rondeur. Faugères, nettement rural. Clos Saint-Martin, plutôt simple et court.
Pomerol et Lalande-de-Pomerol
La Conseillante est excellent de bout en bout, fruité et racé. La Clémence est pour moi une découverte et une belle surprise : sec, complexe, une grande finale. Gazin est coloré, tanique, et se goûte très bien de bout en bout. Prieurs de La Commanderie est fin et très vineux et équilibré. Rouget, beau Pomerol, dur, savoureux, prometteur. La Fleur de Gay est rond, doux et d’abord facile.
Bonalgue a un nez fin, réglissé, il est un peu court mais très agréable. La Pointe est violet, gras, séveux, un poil rustique, ce qui en fait un très bon Pomerol. Feytit-Clinet, fermé, est costaud avec le goût du terroir. La Croix de Gay aussi est un peu rustique, coloré et plein. La Commanderie de Mazeyres m’a semblé dur et sec, puis bien plus complet le lendemain. Le Bon Pasteur est très jeune, un peu dur. Le nouveau Pomerol du domaine Fayat-Thunevin, ex Vieux Château Bourgneuf, ne comprend que du merlot : long, charnu, très bon.
Puis Clos du Clocher, nez discret, puissant, tanins durs. L’Ambroisie de La Croix des Moines, violacé, nez simple, fruits rouges, sec, tanins puissants. La Cabanne, joli vin agréable, un peu court. Clinet, nez fermé, long et soyeux. Bourgneuf-Vayron, un boisé noble, vif mais peu corsé. Clos L'Eglise, bien, velouté, pas très long. L'Enclos du Beau-Père, très bon, petit corps. Vray Croix de Gay, rond et « froid », mais des promesses. Le Moulin, tout de droiture, demande du temps. Petit Village, fluide, assez complet. Jean de Gué, un nez frais épicé, une fermeté de cabernets bienvenue, un peu sec. L’Enclos, terreux, un peu mou, puis vif. Domaine Fayat-Thunevin en Lalande-de-Pomerol, très bon, pas très défini.
Beauregard, violet, très rond, fruité mais terreux, vaguement ennuyeux. Montviel, pas très Pomerol, gagne à l'ouverture, long, droit. La Croix, nez de bonbon, complet… et en avant! Domaine de L'Eglise, joli vin pas très concentré. Vieux Maillet, nez puissant, rappelle la syrah ! pas mal mais sans éclat. La Fleur de Boüard, gras, nez complexe, pas ouvert, finale trop sèche.
Beau Soleil, de petit format, un peu court. Bellegrave, semble étriqué. Perron La Fleur, un peu plat, assez sympa. Grand Ormeau Cuvée Madeleine, nez fin mais délavé, pas très puissant ni mûr. Le Clos des Sabines est léger. Viaud, un petit fruit, un peu léger. La Gravière, clair ; pas mal, mais peu de corps. La Sergue, maturité au nez mais pas en bouche. Mazeyres, nez de cour de ferme, dilué, pas très mûr. Siaurac, nez puissant mais froid, longiligne, sans gras. Taillefer était faiblard.
CRUS DU MEDOC
Lynch-Bages est excellent avec évidence. Pichon-Longueville est excellent, j’ai écrit « rentre-dedans sans fioritures ». Pontet-Canet, nez de cassis, sérieux, corsé. Léoville-Barton, complet, beaucoup d’avenir. Lagrange, puissant et tannique, très bien.
Léoville-Poyferré est très ouvert ; on aime ou pas. Lascombes cette année est féroce ! Brane-Cantenac est doux et fin. Clerc-Milon est facile, cassis et joli corps. Monbrison est un beau Margaux. Batailley un peu clair, mais mi-corps, déjà ouvert, harmonieux, pas très long, délicieux. Marojallia est très bon et raffiné. Kirwan, sombre, nez mûr, très plein, finale un peu dissociée. Le Tertre est très agréable. Talbot, bon fruit, de l’avenir. Dauzac, un bon équilibre. Gruaud-Larose n’est pas très concentré. Croizet-Bages, bon nez, cassis, fumé, un peu creux en bouche. Cantenac-Brown est plein avec de la mâche. Clos Margalaine est très tannique mais soyeux. Durfort-Vivens, sombre, pas très plein mais complet et équilibré.
Cos Labory est sympathique, un peu discret. Langoa-Barton est réservé et discret. Marquis de Terme est franc et rustique. Haut-Bages-Libéral au nez fumé, vif et léger. Rauzan-Ségla, un beau nez fin, joli mais pas très long. Giscours, violent, très long, acide comme Tertre sous la même direction. Branaire-Ducru est charnu, bon vin. Rauzan-Gassies, coloré, plein, pas très fin. Tival, un médoc de Bernard Magrez, est très bien fait. Armailhac, bien, un peu muet. Phélan-Ségur, bien, mais finale amère. Malescot-Saint-Exupéry, fin et subtil, équilibré et léger. Les Ormes de Pez, un peu terreux.
Bellevue de Tayac, c’est 90% de merlot et c’est bon, mais est-ce du Margaux ? Prieuré-Lichine, le Marquis de Terme en plus court. Desmirail, nez curieux pas net, bouche agréable. Servitude volontaire de La Tour Carnet, Très coloré, nez torréfié, pas mon truc. Angludet dominé par les tannins. Lafon-Rochet, trop léger, mi-chair, belle finale incisive. Siran, un peu léger, pas très mûr mais bonne finale. La Tour Carnet, nez puissant, beau fruit, bouche un peu fluide.
Les Grands Chênes, fort et boisé, plutôt rustre. Beychevelle, trop dur. Ferrière, pas très mûr, un peu sec. Labégorce. Grand-Puy-Ducasse, pas du tout en forme. Lynch-Moussas.
GRAVES ROUGES
Pape-Clément, c’est Monsieur plus : puissant, épicé, très, très long en bouche. Chevalier, mûr, du gras, coulant, facile, une belle bouteille.
Ensuite, La Louvière, nez très jeune, fruits rouges et rondeur, finale dure, bel avenir. Fieuzal est quand même très tannique. Carbonnieux, violet, nez discret, bien, tannique.
Puis Larrivet-Haut-Brion, très coloré et gras, nez fumé violent, un peu mou, pas concentré. Bouscaut, bien mûr, doux, bons tanins un peu secs mais fins. Haut-Bailly, nez en retrait, trop tannique, pour une fois pas l’un de mes préférés. Latour-Martillac, clair, nez de cassis, acerbe, attendre. Picque-Caillou, facile dans son style de Graves de Bordeaux.
Haut-Bergey, des groseilles, du gras et des tannins. France, nez serré et végétal, le pin des Landes, acide et amer. Malartic-Lagravière, une curieuse prise de bois. Sérénité de Poumey, très rond, trop chaud. Olivier, pas très mûr. Les Carmes-Haut-Brion, non plus.
D’AUTRES BORDEAUX
Bad Boy, vin de table de Thunevin, 100% merlot. Rond et excellent. Carignan Prima, Premières Côtes de Bordeaux, délicieux. Girolate, un Bordeaux vif et long.
Reignac, nez chaud, viandé, moderne, trop dur. Hostens-Picant, Sainte Foy-Bordeaux, léger, long et vif. Veyry, pas mal.
Haut-Mazeris, Canon-Fronsac, de bons tanins. Haut-Mazeris, Fronsac, plus simple. Jonqueyres, nez végétal, bien son style ancien. Compassant, végétal, mais trop d’alcool. Marjosse, moyen. Thieuley, sur la vanille. Pey La Tour Réserve du Château, nez cuit, rare en ce millésime.
CONCLUSION
Un millésime très inégal. Les vins puissamment extraits ne sont pas les meilleurs, sauf quelques exceptions habituelles comme Pape-Clément, Pavie-Macquin ou Troplong-Mondot. Mes 20 premières notes : Pape-Clément, Chevalier, Lynch-Bages, Balestard La Tonnelle, Pichon-Longueville, Pontet-Canet, Pavie-Macquin, Léoville-Barton, Troplong-Mondot, La Conseillante, La Louvière, Figeac, La Clémence, Fonroque, Lagrange, Léoville-Poyferré, Valandraud, Gazin, Lascombes, Prieurs de La Commanderie. Donc un échantillonnage sur les deux rives, alors qu’on annonce Pomerol comme la meilleure appellation. Mais je n’ai pas tout goûté. En tous cas, bonne réussite des Graves, qui font de bons rouges et d’excellents blancs.
dimanche, mars 25, 2007
Petrus et Cheval-Blanc 1947
Ca existe encore!
de trouver dans une cave de particulier ces bouteilles dont on ne sait combien restent encore, en tous cas combien restent non trafiquées et correctement conservées. C'était du côté d'Alençon.
Quelques prix, pour les meilleurs niveaux:
Haut-Brion 1945: 1.200 euros.
Cheval-Blanc 1947: 3.200 euros.
Petrus 1947: 4.000 euros.
Mouton-Rothschild 1947: 1.400 euros.
Latour 1947: 600 euros.
Mouton-Rothschild 1948: 1.100 euros.
Yquem 1953: 520 euros ( et déjà en vente le soir même sur Internet).
La Mission-Haut-Brion 1953: 560 euros.
Latour 1953: 370 euros.
Haut-Brion 1955: 650 euros.
La Mission-Haut-Brion 1955: 1.000 euros.
Margaux 1959: 500 euros.
Trotanoy 1959: 500 euros.
Haut-Brion 1961: 1.100 euros.
Vieux Certan 1961: 250 euros.
Tout ça vendu dans son jus à la salle des ventes d'Alençon. Et dire que les vendeurs voulaient les présenter à Paris! J'ai un grand faible pour ce genre de vente. Au total, des prix élevés qui affolent encore les tableaux statistiques de www.VinorumCodex.com qui n'en finissent pas de grimper. Pour faire une dégustation de 45 à pas trop cher, c'est définitivement trop tard.
lundi, novembre 20, 2006
Les fruits de mer
Tiens, le sel ! Pas bête, le sel.
L’existence d’un coquillage ou crustacé, sur une plage abandonnée, ou non, est, on le devine, une rude épreuve : il faut manger, en évitant de se faire manger. Et si on y arrive, tenter de se reproduire en repérant bien son état du moment. Est-on mâle, femelle, hermaphrodite, le truc là-bas dans l’eau est-il à fuir, à manger ou à embrasser ? Le temps d’y réfléchir, plouf ! la mer vous a fait boire la tasse et vous entraîne à mille pieds de gastéropode. Mais le pire danger du marin, Mesdames et Messieurs, c’est le sel! Le sel corrosif, usant, qui vous entoure de toutes parts. La salicorne, qui est une plante mais n’est pas bête, se gorge d’eau douce pour empêcher le sel de la pénétrer. Les mollusques bivalves qui filtrent l’eau laissent le sel les traverser.
« J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi . Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi. »
( in Dune, de Franck Herbert, un expert en matière de pénurie d’eau).
Car le sel est la grande peur de la moule. Petit aparté : tout le monde connaît la grande lutraire. Eh bien, j’en ai souvent trouvé dans des étangs très éloignés de la mer, alors que c’est une espèce bien maritime. Contrairement à la libertine crépidule, crepidula fornicata, elle n’a pas pu être introduite par les Liberty Ships qui se sont arrêtés à la côte. Elle est donc arrivée dans nos étangs par mystère. Mais il semble qu’elle y ait vécu paisiblement et sans sel. Du reste, intérêt gastronomique médiocre.
Des découvertes récentes semblent contredire celle du grand savant Alphonse Allais qui écrivit : « la mer est salée parce qu’elle est pleine de morues ». Il semblerait en effet que la morue, qui certes est très salée, ne soit qu’un demi-poisson, côté droit ou côté gauche, et que son dessalage n’entraînerait pas une augmentation de la salinité de la mer. A cela s’ajoute le fait indiscuté que la Méditerranée est plus salée que l’Atlantique et qu’on n’y trouve pas de morues. La Mer Morte est encore plus salée, mais elle est morte. Bref, il faut faire avec.
Une de mes grandes expériences en 2006 a été de déguster du homard breton à Prat ar Coum, sur la rive de l’Aber-Benoît. Cuisson simple, servi tiède, accompagné simplement de pommes de terre à l’eau et d’un muscadet vieilli un an dans l’aber, et dans un endroit tenu secret bien sûr, car c’est en pays léonard. Ca devient une habitude, car une de mes grandes expériences en 2005 était de déguster de la langouste dans les mêmes conditions. Eh bien, ce muscadet n’était même pas salé, et même l’addition ne l’était pas trop. Comme quoi le sel respecte les bonnes choses, même les fruits de mer qu’il entoure, puisque nous en salons l’eau de cuisson.
Par contre, un séjour plus prolongé peut avoir des effets néfastes : ainsi j’ai vendu en tant qu’expert en vins, l’année dernière à Saint-Malo, deux bouteilles présumées Gruaud-Larose dont l’histoire est intéressante : le 2 novembre 1871, le trois-mâts Marie-Thérèse quitta les quais de La Lune à Bordeaux chargé de vins, d’alcools, de faïences, etc… Il fit naufrage dans le détroit de Gaspar qui se trouve en Indonésie. Un peu plus d’un siècle plus tard, des fouilles permirent de retrouver de nombreux objets, dont ces bouteilles. Je les ai vendues 600 euros pièce, ce qui est peu pour un souvenir d’histoire, sans doute beaucoup pour un liquide qui a été décrit ainsi lors du changement tardif des bouchons, par le Professeur René Pijassou :
« Une dégustation faite par un panel de spécialistes a révélé un bouquet exceptionnel où l’on peut encore distinguer des arômes d’orange, de vieux cuir, d’épices, de tabac et de feuilles mortes. La couleur est un peu passée, tirant sur le marron-rose, mais très dense et profonde. En bouche, l’attaque est bien nette, avec un goût de vin marqué quoiqu’assez fuyant et d’une tenue manquant un peu d’ampleur et de persistance. Une forte teneur en sel est malgré tout évidente, comme l’ont confirmé les analyses faites à l’Institut d’œnologie de Bordeaux. Cependant, la surprenante résistance au vieillissement de ce vin pourrait faire penser au millésime 1869, excellente année à Bordeaux, ou bien encore à celui de 1865, millésime exceptionnel à Saint-Julien. Il convient malgré tout de signaler qu’après 120 ans d’immersion en milieu marin, la qualité de ce vin reste très aléatoire et ne peut être de ce fait garantie. C’est donc davantage la quête d’émotions et de souvenirs qui guidera ici le collectionneur. »
Bref, tout juste bon à accompagner le plateau de fruits de mer le plus cher du monde, si un richissime collectionneur décide de figurer dans le Guinness Book.
Du sel, certes il en faut, mais point trop n’en faut. Mais depuis que je fréquente assidûment les fruits de mer, je suis effaré de leurs pratiques. W.C. Fields disait : « je ne bois jamais d’eau, les poissons pissent dedans ». S’il n’y avait que les poissons ! Mais il faut bien conclure. Et si le vin était le sel de notre vie ?
lundi, octobre 02, 2006
Le métier d'expert
il ne peut donner à vos listes
des réponses détaillées
sans vous avoir
causé
Mes estimations sur liste sont effectuées gracieusement si elles sont suivies d'une vente publique. Pour une expertise privée, ou concernant un partage une assurance, le taux appliqué est le taux normal de prisée:
2% sur le montant inférieur à 100.000 Frs de valeur.
1% au-delà.
Honoraires Hors taxes, TVA 20,60% en sus.
Je me déplace dans toute la France si besoin.
LES VENTES PUBLIQUES
Les ventes publiques sont des ventes aux enchères organisées par des commissaires-priseurs.La vente d'un bien est une affaire sérieuse qui suppose l'examen de plusieurs questions:
- A quel moment intervient le transfert de propriété entre le vendeur et l'acheteur ?
- Quelle est la garantie de l'acheteur de recevoir son bien, et qu'il soit conforme à une description , et qu'il n'y ait pas de frais imprévus à assurer ?
- Quelle est la garantie du vendeur d'être payé de son bien ?
Dans une vente publique intervient un commissaire-priseur qui est un officier ministériel assermenté. Il est garant du déroulement de la vente, du règlement au vendeur et de la délivrance à l'acheteur de ses lots. Ses affirmations sur la qualité des lots vendus l'engagent - ainsi que l'expert qui l'assiste- pour trente ans.
PROBLEME:
La vente aux enchères publiques pose souvent deux problèmes aux éventuels vendeurs:
1). Les frais élevés qui leur sont retenus.
2). L'obligation de déposer les vins à la salle des ventes.
Aux nombreuses listes de vins que je reçois, une possibilité bien plus simple serait pour moi de répondre par une simple offre de prix: j'achète, je paie, je prends les vins et je les revends. Ayant qualité de commerçant, je peux le faire, et je le fais si c'est votre désir. Mais dans ce cas, la négociation entre nous deux est d'un vendeur - qui veut vendre le plus cher possible - et d'un acheteur - qui veut acheter le moins cher possible. Objectivement, je suis votre adversaire dans la négociation. Et j'en connais plus que vous sur la question.
A une liste envoyée pour expertise, il ne m'est pas possible de répondre directement par une offre chiffrée: car si j'achète c'est en tant que commerçant, pour faire un profit - d'autant plus que ma fille veut prendre des leçons de piano... Si j'achète donc, c'est en-dessous du prix que je peux revendre, ce qui peut rester un prix très honorable compte tenu de mes connections et de la confiance dont je jouis - pour longtemps je l'espère- sur un marché où la parole a valeur de contrat.
Je réponds donc "en valeur d'expertise", c'est-à-dire en donnant le prix que je peux obtenir de vos vins auprès d'un marché sans cesse mouvant, multiple et international. Vendant des vins pour vous, je ne suis plus votre adversaire, mais votre allié. Et cela mérite mes 4%. Et aussi les frais de vente totaux, inférieurs à 20 %. Qui refuserait de se voir retenir 20%, s'il vend 40% plus cher - ou le double- par un système sécurisé ? Seule une vente publique m'a permis de vendre le 6 Novembre 1999 pour 6800 Frs un magnum de Vieux Château Certan 1928... estimé 2600-3000 Frs. En résumé: les frais que nous demandons sont amplement justifiés par la plus-value qu'apporte aux vins le fait d'être vendus:
- par un officier ministériel, donc avec toutes garanties quand au bon déroulement de la transaction.
- en vente publique, donc après une large publicité, l'envoi d'un catalogue auprès de très nombreux acheteurs, et la réception d'un peu partout d'ordres d'achat.
- et avec un expert, dont la parole est pour les acheteurs, même très lointains, l'assurance que le lot sera conforme à sa description.
L'obligation de déposer les vins à la salle des ventes est une obligation légale ( les vins doivent pouvoir être délivrés immédiatement) autant qu'évidente ( l'expert doit pouvoir vérifier la qualité de la marchandise). Les hôtels des ventes avec lesquels je travaille ( Alençon, Angers, Bayeux, Bernay, Bordeaux, Brest, Bordeaux, Chatellerault, Coutances, Deauville, Le Mans, Mayenne, Nantes, Pontivy, Quimper, Rennes, Versailles, en gros...) sont prêts à traiter, protéger et présenter ces vins... pour les revendre aux quatre coins du monde:
le NET nous permet d'amplifier notre clientèle, mais jusqu'à présent ne m'inspire aucune envie de changer de formule.
C'est pourquoi j'ai décliné des offres de garantir des ventes aux enchères sur Internet, ne pouvant assurer dans l'ivresse du virtuel la matérialité de ma tâche. Après tout, je ne suis qu'un vendeur de produits agricoles.
Virtuel justement... Mes catalogues de ventes publiques sont consultables sur ce site, et aussi les résultats de vente: en général, quelques jours après la vente, le résultat par lot, puis ensuite le résultat ramené au prix de la bouteille en francs français, et bientôt ( quand ?) en Euros. C'est un service rendu aux client, dont beaucoup d'étrangers qui veulent savoir pourquoi "ils n'ont rien eu"... et peut-être pourquoi j'ai vendu en 1998 dans une ville de 10.000 habitants une bouteilles de Petrus plus cher qu'à New York, Chicago ou Londres. Le tuyau qui véhicule les ordres d'achat n'a de valeur qu'avec un robinet Securit.
CONCLUSION DU JOUR:
Je pourrais considérer les listes de vins que vous m'envoyez comme ce qu'elles sont sans doute: vins à vendre, en échange du règlement. Et faire des offres en conséquence. J'ai décidé de ne pas le faire, même si cela peut souvent être une bonne affaire. J'ai une certaine opinion de mon métier, etc...mais la vraie raison est plus prosaïque: il est très inconfortable de donner un prix en tant qu'acheteur éventuel, puis de tenter de rattraper le coup en donnant une estimation supérieure en tant qu'expert.
CONCLUSION DE DEMAIN
A vos demandes d'estimations, je réponds donc:
- en donnant une valeur d'expertise correspondant au montant d'adjudication en vente publique.
- en donnant une estimation globale de la valeur de l'ensemble des vins: une estimation détaillée n'est donnée qu'après accord pour la vente, ou pour le moins après un contact téléphonique. Si elle n'est pas suivie d'une vente elle donne lieu à une facturation ( voir ci-dessus les tarifs, et le piano de ma fille...)
- étant entendu que je reste ouvert à toutes possiblités pour la vente de lots exceptionnels.
vendredi, juin 30, 2006
Les primeurs de Bordeaux de 1991 à 2004
Précision importante: les tarifs des primeurs pris en compte sont les tarifs "sortie de la Place de Bordeaux", toutes taxes comprises. Alors que les cotes de prix de VinorumCodex utilisés sont des estimations de prix de vente en vente publique, "au marteau", hors frais acheteurs. ce ne sont donc pas les mêmes prix. mais comme mes estimations sont aussi utilisées pour des ventes entre particuliers ou de particulier à professionnels, on peut en établir des comparaisons.
1991 est morose, marqué par une forte gelée tardive. Saint-Emilion est durement touché: pas d'Ausone, pas de Cheval-Blanc, pas de Figeac, pas de Canon. A Pomerol, ce n'est guère mieux: pas de Certan, pas de Lafleur, pas de Vieux Certan... et pas de Petrus.
Les vignobles qui s'en tirent le mieux sont les vins du Médoc proches de la Gironde, parfois excellents. Parmi les meilleurs? Latour, Las-Cases, Montrose, Cos d'Estournel, Margaux.
Les vins liquoreux ont subi la grêle en plus du gel. Peu de vin, mais Yquem est très beau.
Petite campagne de primeurs à petit prix. Les premiers crus valent 35 euros. Ils ont bien monté depuis.
Le millésime 1992 est très abondant, ce qui est fréquent après une année de disette. mais la maturité est inégale et beaucoup de vins sont dilués. Les meilleurs ont fait d'excellentes bouteilles de demi-garde: Léoville-las-Cases, Petrus, Latour, Haut-Brion, Angélus, Lafleur, Margaux, L'Eglise-Clinet, Gazin... Les vins liquoreux ont subi la pluie, quelques barriques correctes ont pu être rentré. Pas d'Yquem.
Sur 60 vins dont nous avons relevé le tarif primeur, en partant d'une base 100 pour ce tarif, la valeur actuelle s'établit à 174. Pas une forte hausse donc, mais la plupart des vins sont déjà bus.
1993 est de nouveau une année qui ne reste pas dans les annales: elle avait pourtant bien commencé, avec préocité et une belle maturité en août. Puis il a plu et replu. Les vins sont inégaux. Parmi les meilleurs: Léoville-las-Cases, Pavie-Macquin, Lafleur, La Misson-Haut-Brion, Petrus, Fieuzal, L'Eglise-Clinet, Clinet, Gazin, Haut-Bailly, Léoville-Barton, Le Bon Pasteur, Canon-La-Gaffelière, Troplong-Mondot, Le Pin, Tertre-Roteboeuf, L'Evangile, Trotanoy, et un nouveau qui demande et obtient des prix élevés dans l'incrédulité générale: Valandraut.
Les prix sont sages: pour 105 crus dont j'ai les prix en primeur, base 100, la valeur actuelle s'établit à 184.
On a un peu oublié 1994, qui nous avait beaucoup séduit. Il a encore beaucoup plu avant les vendanges, alors que le millésime s'annonçait exceptionnel. Un tri sévère a permis des grands vins, et j'aime beaucoup Pauillac. Parmi les meilleurs: Petrus, Troplong-Mondot, Latour, Lafleur, Montrose, La Mission-Haut-Brion, Léoville-las-Cases, Pichon-Lalande, L'Evangile, Valandraud, Canon-La-Gaffelière, Cos d'Estournel, Le Pin, Haut-Brion, L'Eglise-Clinet, Margaux, Angélus.
Les Sauternes sont rares, car il a plu, et pas très concentrés. Yquem est très bon, citons aussi Barréjats, Climents, Coutet, Rabaud-Promis.
L'augmentation des prix est de 15% environ, ce qui surprend à l'époque, mais plus aujourd'hui! Pour acheter un premier cru, il faut sortir 42 euros environ, soit de quoi acheter 5 centilitres du même vin en 2005. Sur 128 vins dont j'ai les prix, la valeur actuelle s'établit à 159.
Enfin vient 1995, une belle année avec de la maturité, du fruit, des tannins ( parfois trop). Les meilleurs? Petrus est royal. Ausone, Ducru-Beaucaillou, Pichon-Lalande, L'Eglise-Clinet sont somptueux. Et aussi L'Evangile, Calon-Ségur, Sociando-Mallet, Le Pin, Grand-Puy-Lacoste, Tertre-Roteboeuf, Trotanoy, Haut-Brion, Lafite, Valandraut, Léoville-las-Cases, Angélus, Cos d'Estournel. Et encore Rausan-Ségla, Léoville-Barton, Montrose, Branaire, La Mission-Haut-Brion, Cheval-Blanc, Gazin, Troplong-Mondot, Pontet-Canet, Pichon-Baron, La Fleur-Pétrus, Gruaud-Larose, Mouton-Rothschild, Malescot-Saint-Exupéry, Léoville-Poyferré, Haut-Bailly, Palmer, Lynch-Bages, Smith-Haut-Laffite.
De bons liquoreux, Yquem en premier: Clos Haut-Peyraguey, Fargues, Coutet, Guiraud, Sigalas-Rabaud.
Les prix montent et la Revue du Vin de France s'insurge:
"Il n'y a aucune raison logique dans une gestion stricte des proprétés pour augmenter de plus de 10%." Sans commentaire. Pour ma part, je vends du Valandraut primeur à 350 Francs français, et il augmente à toute allure. Les premiers crus valent 60 euros. Sur 210 crus dont j'ai les prix primeurs, la valeur actuelle s'établit à 157.
1996 est une belle année bordelaise, avec le triomphe des grands Médocs: des vins riches, tanniques et de grande garde. Les Graves sont très séduisants, tandis que le Libournais est plus inégal. Parmi les meilleurs, Lafite et Margaux sont des vins d'anthologie. Latour, Léoville-las-Cases, Pichon-Lalande, Ducru-Beaucaillou, Ausone, Montrose, Tertre-Roteboeuf, Pontet-Canet, Sociando-Mallet, Léoville-Barton, L'Eglise-Clinet, Petrus, Grand-Puy-Lacoste, Léoville-Poyferré, Cos d'Estournel. Et encore Smith-Haut-Laffite, Calon-Ségur, Troplong-Mondot, Pichon-Baron, Canon-La-Gaffelière, Lynch-Bages, Trotanoy, Rauzan-Ségla, Duhart-Milon, La Mondotte, Haut-Brion, Lafon-Rochet, Lagrange, Valandraud, Monbousquet, Pavie-Macquin, L'Evangile, Pape-Clément.
Les Sauternes tardifs sont très bons: Yquem, Lafaurie-Peyraguey, Guiraud, Coutet, La Tour Blanche, Raymond-Lafon, Doisy-Daëne.
Les prix montent sensiblement et la RVF annonce qu'ils "mettront les vins les plus recherchés hors du marché français". Pour les premiers crus, il faut compter 90 euros. Pour ma part, j'arrête de vendre des primeurs, qui ne me semblent plus intéressants, et je n'ai pas recommencé depuis.
Pour 200 vins dont j'ai les prix, la valeur actuelle s'établit à 112.
1997 commence bien et finit sous l'orage et les pluies. Il y a de bons vins, mais aussi pas mal de mauvais. Garde moyenne dans l'ensemble. Parmi les meilleurs: Petrus, Pavie-Macquin, Haut-Brion, Margaux, Cos d'Estournel ont un A ( un seul) sur VinorumCodex.com. Puis Trotanoy, Ausone, Tertre-Roteboeuf, Valandraud, Canon-La-Gaffelière, Nénin, Léoville-Las-Cases, L'Eglise-Clinet, Mouton-Rothschild, Lafite, Lafleur, Latour, Angélus.
Pour ls liquoreux, c'est une autre histoire: des vendanges très longues pour des raisins bien botrytisés, et enfin un très beau millésime. Si les prix augmentent, ce n'est que justice, d'autant que les quantités sont réduites. Citons Yquem et Climens, puis Guiraud, Sigalas-Rabaud, Coutet, Suduiraut, Lafaurie-Peyraguey, Rieussec. Et Raymond-Lafon, La Tour Blanche, Nairac, Doisy-Daëne, Rayne-Vigneau.
A millésime moyen, la recette de 1984: hausse générale. C'est d'ailleurs le seul millésime où Bordeaux reconnaît son erreur d'appréciation. Les premiers crus frôlent les 120 euros. La valeur des 205 crus dont nous avons le prix primeur, pour une base 100, s'établit aujourd'hui à 77. Vraiment une affaire pour spéculateurs ayant acheté de l'Eurotunnel!
L'été 1998 a été très chaud, puis il a plu. Ce qui a donné une vendange inégale, avec des vins douteux et de belles réussite, surtout en merlot. Pomerol prend sa revanche, et la hiérarchie des crus est bien marquée. Parmi les meilleurs vins, un grand Petrus, et Vieux Certan, Sociando-Mallet, Ausone, Mouton-Rothschild, Lafite, Haut-Brion, Cheval-Blanc, Gruaud-Larose, Pavie-Macquin, Trotanoy, Tertre-Roteboeuf, Pavie-Macquin, Léoville-Barton, La Fleu-Pétrus, Margaux, Latour, Palmer, L'Eglise-Clinet, Haut-Brion.
Les vendanges en deux temps ont donné des liquoreux fermes: Yquem, Rieussec, Sigalas-Rabaud, Climens. Et Suduiraut, Doisy-Daëne, Lafaurie-Peyraguey, Coutet, Rayne-Vigneau, Guiraud.
Les prix baissent - un peu- en Médoc: compter 100 euros pour les premiers. Pour 20 crus dont nous avons le prix en primeur, la valeur actuelle s'établit à 92.
Le millésime 1999 a été difficile pour le vigneron: de la chaleur et de l'humidité combinées, ce n'est jamais bon pour les raisins. Septembre commence beau, puis se gâte. Pourtant, les vins sont dans l'ensemble bien réussis. Parmi les meilleurs, Léoville-las-Cases, Petrus, Léoville-Barton, Pavie, Angélus, Palmer, L'Eglise-Clinet, Margaux, Lynch-Bages, Monbousquet, Lafleur, Ausone, Figeac. Et Pontet-Canet, Montrose, Valandraud, Chevalier, Sociando-Mallet, Ducru-Beaucaillou, Clinet, Les Forts, Le Bon Pasteur, Haut-Bailly, Hosanna, La Mondotte, La Mission-Haut-Brion, Tertre-Roteboeuf, Branaire-Ducru, Mouton-Rothschild, Lafite, Latour, Haut-Brion, Canon-La-Gaffelière, Cheval-Blanc.
Malgré les pluies, de beaux liquoreux: Suiduiraut, Climens, Rieussec, Yquem, Clos Haut-Peyraguey, Coutet, Guiraud, Malle, Lafaurie-Peyraguey.
Les prix ne sont pas à la hausse: 110 euros pour les premiers crus, dont Cheval-Blanc parvient à se détacher. Ausone est déjà nettement plus haut. Pour les 168 crus dont j'ai le prix en primeur, la valeur actuelle s'établit à 92 et va grimper tranquillement.
On récolte 2000 dans une athmosphère d'hystérie. Les trois petits rond sont synoymes de beaucoup de ronds pour les revendeurs. Votre serviteur est en reportage pour son prochain livre, La Cuisine des Châteaux du Bordelais. Nous déjeunons avec le comte de Lur-Saluces et du poulet mouillé de vieil Yquem. Repas des vendangeurs avec Corinne Mentzelopoulos à Margaux, avec Madame de Lencquesaing à Pichon-Lalande. Repas aussi chez Anthony Barton, Thierry Manoncourt, Alfred Tesseron, bref un automne de rêve! C'est le millésime du millénaire, même s'il n'est pas partout une grande année. Il y a beaucoup de vins qui ne me plaisent pas à la dégustation des primeurs. Un bel été a permis des cabernet-sauvignon mûrs et très complets. parmi les meilleurs vins, Ausone, Léoville-las-Cases, Petrus, Margaux, Latour, Lafite, L'Eglise-Clinet, Cheval-Blanc, Angélus sont de très grands vins. Puis Lafleur, Chevalier, Monbousquet, La Mondotte, Valandraut, Léoville-Barton, Sociando-Mallet, Figeac, Gruaud-Larose, Haut-Bailly, Pavie-Macquin, Montrose, Troplong-Mondot, La Mission-Haut-Brion, Tertre-Roteboeuf, Haut-Brion, Palmer, Mouton-Rothschild. Et La Couspaude, Rollan de By, Pape-Clément, Malartic-Lagravière, Pape-Clément, Brane-Cantenac, L'Evangile, Cos d'Estournel, Beau-Séjour Bécot, Clinet, Clos de L'Oratoire, Clos Fourtet, Vieux Certan, Ducru-Beaucaillou, Boyd-Cantenac, Laroze, La Tour Haut-Brion, Pichon-Lalande, Trotanoy, Armailhac, Hosanna, Nénin, Pavie, Pontet-Canet, tous de grands vins.
Les Sauternes ont sombré sous la pluie. Quelques rescapés des premières tries: Yquem, Sigalas-Rabaud, Climens, Clos Haut-Peyraguey. Et Lafaurie-Peyraguey, Malle, Coutet, Rieussec, Guiraud, Suduiraut.
Prix très élevés qu'on paye sans rechigner, même les non buveurs: 250 euros pour les premiers, 290 pour Cheval-Blanc, 320 pour Ausone. L'honnête Anthony Barton vend à prix correct son grand vin, voit le négoce faire la culbute sur son vin et, en parfait gentleman, ne s'en plaint pas. Pour les 342 crus dont nous avons le prix en primeur, la valeur actuelle s'établit à 97, mais cache de grandes disparités: en ne tenant compte que des 20 crus les plus chers, la valeur actuelle est de 117. Les grands vins augmentent et augmenteront, mais le gros de la troupe ne se vend pas bien cher: l'effet 2000 s'est limté aux vins stars.
2001 ne peut qu'être en retrait. L'année est inégale, chaud et pas chaud, avec des pluies. Je suis déçu par beaucoup de Saint-Emilion qui me semblent surextraits: on en ressort les gencives grenat! Bref, c'est inégal. parmi les meilleurs: Léoville-las-Cases, Lafite, Pavie-Macquin, Petrus, Léoville-Barton, Mouton-Rothschild, Pichon-Comtesse, Pichon-Baron, Lynch-Bages, Latour, Montrose, Valandraut, Giscours, La Tour-carnet, Smith-Haut-Laffite, Pape-Clément, Tertre-Roteboeuf, L'Eglise-Clinet, Le Pin, Haut-Brion, Trotte Vieille, Léoville-Poyferré, Hosanna, Margaux, Ausone, Rauzan-Ségla, Palmer, Malescot-Saint-Exupéry, Cheval-Blanc, Brane-Cantenac, Lafleur.
Les vins liquoreux sont tout simplement parfaits. Citons entre autres Yquem, Myrat, Lafaurie-Peyraguey, Sigalas-Rabaud, Rayne-Vigneau, Rieussec, Climens, Clos Haut-Peyraguey, Suduiraut, Doisy-Védrines, Coutet, Nairac.
Les prix baissent, bien sûr. Les premiers à 135-150 euros. Pavie tente de se glisser dans l'échappée. Pour les 330 vins dont nous avons les prix en primeurs, la valeur actuelle s'établit à 70, ce qui est très bas. Les vins sont encore largement disponibles.
On devine que 2002 ne sera pas facile à vendre. D'autant que l'été est triste et froid. Un bon mois de septembre a sauvé la vendange. Mais la qualité est très inégale. Parmi les meilleurs, citons Mouton-Rothschild, Ducru-Beaucaillou, Léoville-Barton, Cos d'Estournel, Lafite, Latour, Ausone, Tertre-Roteboeuf, Montrose, Léoville-las-Cases, Margaux, Petrus. Et Lynch-Bages, Pichon-Baron, Haut-Brion, La Mission-Haut-Brion.
En vins liquoreux, 2002, ce n'est pas du 2001, mais c'est quand même très bon. Citons Yquem, sûrement, Climens, Clos Haut-Peyraguey, Sigalas-Rabaud, Suduiraut, Guiraud, Fargues, Lafaurie-Peyraguey, Rieussec.
Les prix baissent: les premiers sont à 95 euros, mais Ausone et Cheval-Blanc presque deux fois plus chers. Pour les 260 vins dont j'ai le prix en primeur, la valeur actuelle s'établit à 70. Comme l'année précédente, les vins de garage ont perdu la moitié de leur valeur.
Bref, c'est la crise, et les caves sont pleines. Rien de mieux dans ce cas qu'un millésime du siècle et ce sera 2003. Canicule, mortalité dans les villes, volets fermés en Bretagne, on se souviendra de l'été. La presse enchaîne sur un millésime exceptionnel, alors que je pense plutôt à 1976. Vendange très précoce, gros tannins et vins de garde. Beaucoup manquent d'équilibre et restent durs. Ils ne sont pas encore notés sur VinorumCodex, ça ne presse pas. Citons Latour, Montrose, Petrus, Ausone, Certan de May, Cheval-Blanc, Cos d'Estournel, Ducru-Beaucaillou, Grand-Puy-Lacoste, Haut-Bailly, Haut-Brion, La Mondotte, Lafite, L'Eglise-Clinet, Léoville-Barton, Léoville-las-Cases, Margaux, Pavie, Pavie-Macquin, Sociando-Mallet, Trotanoy.
Les sauternes passent en force, puissants et concentrés: Yquem sûrement, Suduiraut, Climens, Coutet, Fargues, Guiraud, Sigalas-Rabaud.
Il est temps de remonter les prix: 240 euros pour les premiers, 80 à cent pour les seconds. Valeur actuelle pour 350 crus, toute relative, ces vins n'étant sur le marché que depuis peu: 84 pour une base de 100 en tarif primeur.
Tarif primeur qui restera longtemps affiché, d'ailleurs. Bordeaux ne se donne plus la peine d'annoncer que tout est vendu, et la campagne des primeurs 2004 s'ouvre sur de nombreux sites Internet par la page des 2003... guère plus chers qu'un an avant. ce phénomène se répètera au printemps 2006. C'est acquis: les primeurs se sont mal vendus.
C'st pour moi un plaisir de goûter les 2004. Un année abondante, mais froide, et des raisins pas trop mûrs. Bref, du Bordeaux classique. Les liquoreux sont en deça par manque de maturité. Yquem entre sur le marché des primeurs. La déjà relative solidarité entre les premiers crus explose définitivement: à chacun selon son mérite et la demande. Haut-Brion sort du lot.
Voilà terminée cette petite revue des derniers millésimes. J'aiguise ma plume pour parler des 2005. Il me faudra trouver de grands mots, car, personne ne l'ignore, c'est le millésime du siècle!
jeudi, juin 22, 2006
06-06-06= 12 66 à 12
On a fait avec ce qu'on a trouvé.
Quelques vins blancs divers pour se faire la bouche bretonne.
Laville-Haut-Brion 1966: deuxième dégustation de ce vin qui oscille entre le sec et le pas sec, avec un nez cireux et une bouche grasse. Pas très bon, mais très intéressant.
Monthélie 1966 d'origine inconnue, juste pour avoir un petit goût de pinot dans la bouche.
Résultats de la notation, les notes sur 30:
1
Ducru-Beaucaillou, 19,81. Une surprise pour moi, car c'était le seul vin dont je savais pertinemment qu'il venait d'une cave médiocre, chaude et sèche en été. Très complet.
2
Malartic-Lagravière, 19,17. A divisé l'assistance, mais c'est le troisième de mon palmarès personnel. Un hidalgo à l'espagnole, au nez charmeur de jardin, très sec voire maigre, franchement acide, avec une belle et longue finale. Superbe! et pas cher s'il traîne en salle des ventes.
3
Vin d'Oran Sénéclauze 1959, 18,16. Un pirate régulier de nos dégustations, que la plupart ont reconnu comme atypique. Je ne connais pas les cépages. Toujours très bon, à défaut d'être raffiné.
4
Cheval-Blanc, 17,19. Mon préféré perso. Un nez évolué et complexe, parfait en bouche.
5
Canon, 17,04. Le meilleur équilibre, finissant un peu étriqué, très bon cependant.
6
Nénin, 16,25. Je savais qu'il avait réussi en 66. Il est cependant un peu court et étroit.
7
Saint-Georges, 16,06. Bon classement pour ce St-Georges-St-Emilion, que personnellement j'ai trouvé trop léger et très court.
8
Cos d'Estournel, 15,6. Assassiné par mes commensaux alors que je l'ai classé second, c'est comme ça. Pour moi le nez le plus noble de l'ensemble, avec une note de fumé, et de la vigueur.
9
Lafite, 15,22 . Bouchon suspect. Moyen en tout, sauf une belle finale. J'en attendais mieux et je suppose un problème de conservation.
10
Pichon-Baron, 14,8. Un beau nez de Médoc qui gagne à l'ouverture, mais un vin qui s'écroule en bouche. Dommage.
11
Haut-Batailley, 13,8. Beau nez, acide en bouche, court en tout. Peu d'enthousiasme.
12
Léoville-Barton, 11,5. Nul, trop vieux.
Bien sûr, ces vins sont anciens, ils ont été achetés aux enchères, et même si j'ai pris grand soin de ne prendre que des vins venant de bonnes caves ( sauf Ducru... sorti premier), 1966 marque son âge. C'est un très bon millésime, mais la plupart des vins semblent fatigués. Je remarque que la bonne dose d'acidité de Malartic l'a tenu debout, ce qui me conforte dans mon opinion que les vins très mûrs sont plus fragiles... et que les millésimes moyens peuvent parfois vieillir aussi bien que les bons.
Pour suivre et vider les bouteilles: terrine de chevreuil maison, puis une très belle bouteille de Vosne-Romanée Les Suchots 1971 de chez Leroy, le rêve, et quelques flacons inégaux mais amusants d'alcools du XIX° siècle.
Je vous conseille de finir vos 1966.
mardi, avril 18, 2006
De l'intérêt des primeurs
Au départ, ce type de vente était réservé aux professionnels. Son principe est de transférer au négoce une part du poids financier de l'élevage. Le bénéfice est pour le négoce de s'assurer la disponibilité des vins en bouteille à un tarif avantageux, et pour la propriété d'avoir une avance financière au lieu de travailler à une échéance de trois ans.L'ouverture de ce marché aux particuliers leur a permis d'acheter le plus tôt possible des vins rares ou spéculatifs et de réaliser de très bonnes affaires en sécurité.
Mais le passage d'un petit marché à un marché de très nombreux acheteurs a entraîné une hausse qui rend l'affaire plus hasardeuse. Parallèlement, le marché des foires au vin donne une seconde cote dès la mise en bouteilles. Si les vins y sont moins chers qu'en primeur, il est évident que le millésime a été vendu trop cher.
Dès lors que le négoce revend une grande partie de ces vins dans la foulée, sa charge de "portage" du millésime se transforme en une opération financière à court terme où tous les coups peuvent être permis, comme de déclarer tous les deux ans que le millésime est exceptionnel, ou de revendre 60 euros un vin acheté 30 une semaine avant si la demande est forte. Dans ce cas, bien sûr, le propriétaire est légitimement furieux et ne manquera pas de monter son prix à la prochaine campagne.
Depuis le millésime 1997 vendu trop cher, l'intérêt d'acheter des vins en primeur a baissé, sauf exceptions. Du coup, les marchands vendent encore le millésime 2004 en avril 2006. L'adage qui veut qu'en achetant tous les ans en primeur on est gagnant en moyenne est sans doute encore vrai, mais le bénéfice s'est beaucoup réduit. Reste, c'est sûr, la tranquillité et la sécurité pour l'acheteur.
Le marché est mondial et instable. Il y a plus à gagner à travailler des primeurs qu'à entretenir un stock coûteux. Il est plus avantageux de traiter le vin comme une valeur boursière que comme une marchandise.
Dans cette optique, chaque millésime doit être mis en scène: rédactionnel dans la presse à l'automne, dégustation géante début avril, alors que les vins sont encore très jeunes et peuvent bouger par la suite, campagne de teasing sur les prix, enfin sortie des tarifs. Puis un millésime chasse l'autre.
Les cotes que je publie permettent de garder la mémoire des campagnes en primeur. En général, les cotes de www.VinorumCodex.com sont celles du marché des enchères en prix d'adjudication, valant aussi pour des ventes entre particuliers ou de particuliers à professionnels, donc dans un marché ouvert. Les prix des primeurs sont moins fixés sur la demande: ils sont fixés par la propriété, augmentés de la marge du négoce, et ensuite ça passe ou ça ne passe pas. Il est quasiment impossible de baisser le prix si les acheteurs n'en veulent pas. Depuis quelques années, la concurrence y a fait son apparition, et par exemple les prix des premiers crus peuvent varier à la revente. Auparavant, les premiers sortaient tous au même prix par accord tacite de la Place de Bordeaux. L'éclatement de ce consensus a été un signe fort de la dérégulation.
La valeur de ces cotes de vente en primeur n'est donc pas la même que les autres cotes, qui sont mes propres estimations. Mais c'est le seul prix dont on puisse disposer pour des vins qui ne sont pas encore matériellement disponibles. Il permet des constatations intéressantes.Je donne des cotes TTC, les vins étant le plus souvent vendus hors taxes. Et je donne le meilleur prix que j'ai pu trouver. Je donne aussi maintenant des prix pour des vins d'autres régions, la vente en primeur s'étant largement répandue. Ce qui fera pour un millésime comme 2005 environ 700 vins cotés.
Les primeurs de Bordeaux de 1984 à 1990
Les plus anciens d'entre nous se rappelleront que la même statégie avait été appliquée en 1894, avec le même succès.
Les 1985 sont dans l'ensemble très bons, avec quelques vins rouges exceptionnels dont: Certan de May, Cheval-Blanc, Cos d'Estournel, Haut-Brion, La Conseillante, Lafite, Lafleur, L'Eglise-Clinet, Léoville-las-Cases, Le Tertre-Roteboeuf, Margaux, Mouton-Rothschild, Petrus... Les vins sont très bons, et les prix baissent, c'est comme ça. La vente en primeur est encore en majorité l'affaire des professionnels. Les Sénéclauze vendent directement leur Marquis de terme à 83 Frs TTC. A Bordeaux, le Club Vinophile de Conseil vend déjà des primeurs...
Vient 1986, un vrai beau millésime bordelais avec des cabernets magnifiques. 20 cadors? Certan de May, Clerc-Milon, Cos d'Estournel, Grand-Puy-Lacoste, Gruaud-Larose, Lafite, Lafleur, Léoville-las-Cases, Lynch-Bages, Margaux, Montrose, Mouton-Rothschild, Pichon-Lalande, Petrus, Rausan-Ségla dont c'est le retour, Vieux Certan... et de grands liquoreux, Yquem bien sûr, et Climens, Coutet madame, Fargues, Lafaurie, Raymond-Lafon...Les vins ne sont pas chers: Fieuzal à 85 Frs TTC., par exemple.
1987: votre serviteur, alors restaurateur, vend des primeurs. Année médiocre. Une sélection? Clinet, Margaux. Rausan-Ségla n'embouteille pas ses vins, ce qui lui fait plus de renommée que d'avoir réussi en 1986. Il a beaucoup plu au moment des récoltes. Beaucoup de vins ratés, et pas mal délicieux dès la mise, qui ont fait de parfaits vins de restaurant. Le négoce ne se bouscule pas pour les prendre, et on trouvera plus tard des crus classés à 49 Frs en grande surface, dont personne à Bordeaux n'avoue être le fournisseur. Je vois dans ce millésime l'origine des foires au vin .Moi, je vends Cos à 95 Frs, Fieuzal à 53 Frs, Léoville-Barton à 67 Frs, Haut-Brion à 178 Frs, Margaux à 181 Frs, le tout hors taxes.
1988 est une bonne année classique, vendue un peu plus cher que 1986. Pas toujours: Fieuzal à 85 Frs TTC. 20 cadors? Certan de May, Chevalier, Lafite, Lafleur, La Fleur de Gay, La Mission-Haut-Brion, Larmande, Latour, L'Eglise-Clinet, Léoville-las-Cases, Le Tertre-Roteboeuf, Mouton-Rothschild, Petrus, Rausan-Ségla, Vieux Certan. Les Sauternes aussi sont plus chers, mais ils le méritent largement.
1989 est une année très chaude et sèche. Idéal pour les Sauternes. Les rouges sont très bons dans l'ensemble, avec des réussites exceptionnelles. 20 cadors? Ausone, Beauséjour-Bécot, Canon, Cheval-Blanc, Clinet, Cos d'Estournel, Gazin, Grand-Mayne, Figeac, Haut-Brion, La Conseillante, La Dominique, Lafite, Lafleur, La Mission-Haut-Brion, L'Angélus, Latour, Le Bon Pasteur, Léoville-las-cases, Le Pin, Le Tertre-Roteboeuf, L'Evangile, Lynch-Bages, Margaux, Montrose, Palmer, Petrus, Pichon-Baron, Pichon-Comtesse, Sociando-Mallet, Troplong-Mondot.
Les prix montent sacrément. Rapportés en euros et TTC, quelques prix de vente: les premiers crus à 63 euros, les super-seconds à 35-40... mais Barton à 15, Clerc-Milon à 14, Larmande à 13, Gloria à 12, Marquis de Terme à 11, Lafon-Rochet à 10, Brillette à 9, Camensac à 8, Fourcas-Dupré à 7, Potensac, hé oui, à 6, Patache d'Aux à 5...C'est depuis le millésime 1989 que VinorumCodex donne les prix de vente en primeur. Pour 1989, 142 prix primeurs.
Pour une base 100 au printemps 1990, l'indice en 2005 est de 237.
1990: troisième grand millésime consécutif en sauternais. De grands vins rouges, riches, mais peu acides et dont beaucoup ont fatigué. 20 cadors? Ausone, Beau-Séjour Bécot, Beauséjour-Duffau, Canon, Canon-La-Gaffelière, Certan de May, Cheval-Blanc, Clinet, Clos Fourtet, Cos d'Estournel, Figeac, Gazin, Grand-Puy-Lacoste, Gruaud-Larose, Haut-Brion, La Conseillante, La Dominique, Lafite, Lafleur, La Mission Haut-Brion, L'Angélus, Latour, Le Bon Pasteur, Léoville-Barton, Léoville-las-Cases, Léoville-Poyferré, Le Pin, Le Tertre-Roteboeuf, L'Evangile, Lynch-Bages, Magdelaine, Montrose, Mouton-Rothschild, Pape-Clément, Pavie, Petrus, Pichon-Baron, Rausan-Ségla, Saint-Pierre, Sociando-Mallet, Troplong-Mondot, Vieux Certan... ça fait déjà une grosse vingtaine.
C'est vraiment l'année où acheter du vin en primeur. Belle qualité, donc les prix baissent, d'autant que la récolte est abondante. On peut toucher les premiers crus à 50 euros TTC, et Vieux Certan à 30, Palmer à 25, Magdelaine à 20, L'Angélus à 19, Beychevelle à 18, Les Forts de Latour à 17, Calon-Ségur à 16, Beau-Séjour Bécot à 15, Barton à 14, Soutard à 13, Sociando-Mallet à 12, Gloria à 10, Poujeaux à 9, Roc de Cambes à 8, Potensac à 7, Camensac à 6, et Beaumont à 5... A 19 euros, c'eût été une bonne idée que de prendre du Montrose.
A l'automne 1991, un marchand me propose du Cheval-Blanc 1990 autour de 400 francs. Il en a une dizaine de caisses sur le dos et pense avoir payé trop cher!Voici comme ci-dessus l'indice des 1990 dont nous avons un prix primeur sur VinorumCodex.
Sur 148 vins cotés, et une base 100 au printemps 1991, l'indice en 2005 est de 292, ce qui fait une belle plus-value qui cache des écarts de 1 à 10 sur certains vins.
A suivre...
lundi, mars 27, 2006
Pourquoi la notation VinorumCodex ?
La notation utilisée par www.VinorumCodex.com est un système qui combine une note par lettres de A à E et un nombre de lettres variant de 1 à 5. Par le panachage des lettres, ce système permet 86 combinaisons différentes.
Chaque réponse sur VinorumCodex.com, donne la combinaison de lettres et son commentaire.
J'ai imaginé ce système en 1993 quand j'ai commencé à éditer une petite lettre d'information appelée Enchères et en Vins, qui a finalement donné naissance à la base de données VinorumCodex.
La raison était que je n'étais pas satisfait des deux systèmes de cotation existant. Le premier est un système par étoiles, utilisé notamment par le Master of Wine anglais Michael Broadbent, qui permet une vingtaine de cotations différentes. Le second est une cotation en points sur une échelle de 100 points, utilisé notamment par le magazine américain Wine Spectator et par le critique américain Robert Parker dans son magazine The Wine Advocat, qui permet une trentaine de cotations différentes.
L'objet de cet article est de faire une analyse de chacun de ces systèmes. Il a été écrit avant la sortie du film Mondovino. Les exemples pratiques sont tirés de deux ouvrages emblématiques :
Le livre des millésimes, Les grands vins de France, de Michael Broadbent, Editions Scala, 1993.
Le Guide Parker des vins de France, de Robert Parker, Solar, 2001.
Pour m'en tenir à des ouvrages que le lecteur français peut trouver, j'ai utilisé ces deux ouvrages dans leur traduction française. Même si les auteurs restent responsables des traductions, l'utilisation des versions françaises doit nous rendre indulgents envers l'indigence possible du texte. Ces deux ouvrages ne parlent que des vins français, ce qui est bien sûr réducteur. Pour gagner en concision, j'utiliserai parfois dans cet article les abréviations MB et RP pour désigner ces deux grands écrivains du vin.
Michael Broadbent est aujourd'hui un vieux monsieur. Anglais, parfait gentleman, il a acquis sa notoriété en dirigeant le département Vins de la maison de ventes Christie's à Londres et un peu partout dans le monde. Il est aussi francophile : " J'admire les Français, leur goût, leur indépendance intellectuelle, leur gastronomie et par-dessus tout, leurs vins ".
Robert Parker est avocat. Passionné de vin, il a lancé une lettre d'information qui a connu un grand succès et donné lieu à de nombreux ouvrages. Il est aussi francophile. Il va de soi que, personnellement, je me sens plus proche de Monsieur Broadbent que j'admire, que de Monsieur Parker que je respecte.
Le métier d'expert consiste à pouvoir donner une estimation de prix pour n'importe quel vin en bouteille, et si possible une estimation de la qualité. Le métier de critique exercé par RP s'inscrit dans une logique consumériste et donne des conseils d'achats et de consommation des vins. L'expert est historien, le critique suit d'abord une actualité.
Voici maintenant une analyse de ces deux ouvrages.
INTRODUCTION
L'introduction de Broadbent est courte : quelques phrases sur son amour du vin, la notion de millésime mise au centre du propos, le système de notation, la dégustation. L'introduction de Parker est un peu plus longue. Elle donne le plan de l'ouvrage, décrit le système de notation, explique la déontologie du critique : indépendance, avec une référence à l'éternel candidat à la présidence des USA Ralph Nader, courage, expérience, responsabilité, franchise.
COTATION DES VINS
C'est indéniable, une note de qualité d'un vin, quelle qu'elle soit, est réductrice : d'une part, elle est établie à un instant de la vie de ce vin, qui est né, vit et mourra ; d'autre part elle est personnelle, ou tout au plus issue d'un groupe de dégustateurs, et non scientifique. Tant mieux ! C'est ce qui permet de classer les grands vins au rang des oeuvres d'art, et non au sein de la production agricole de qualité, ce qu'ils sont à leur fabrication. Cette dimension spirituelle du vin n'échappe pas à nos deux auteurs :" Les vins sont comme les êtres humains, variables à l'infini, fascinants à l'extrême ". MB" (...) les grands vins, comme la grande musique ou la peinture de haut vol, font l'unanimité, même s'il est pratiquement impossible d'en donner une définition précise ". RP
Comme tous les amateurs, nos deux critiques ont une haute idée du vin. Pour Robert Parker, c'est un produit de l'activité humaine parmi les plus nobles. Pour Michael Broadbent, c'est quasiment un être vivant.
Ce produit, reste à en donner connaissance. Le discours sur le vin a considérablement évolué au XX° siècle. Très timide au XIX° siècle, il donnait seulement quelques indications générales. Il est aujourd'hui pléthorique, et nous en donnerons quelques exemples. Mais aucun media donnant une critique des vins ne saurait aujourd'hui se passer d'une synthèse, d'une qualité résumée en quelques caractères typographiques. On peut le regretter, mais c'est ainsi.Voici donc les raisons pour lesquelles MB et RP ont choisi le leur.
MB utilise dans ses dégustations une grille chiffrée : " (...) sur 20 : 3 points pour l'aspect, 7 pour le nez, 10 pour la bouche et l'impression d'ensemble ". Il complète cette note sèche par des impressions écrites dans de petits carnets. Il pense que l'erreur est humaine et " les variations infinies ". Il a donc gardé pour lui ses chiffres et donne comme notes des étoiles, de 0 à 5, de mauvais à exceptionnel. L'espérance de vie d'un vin est indiquée par la mise entre parenthèses d'étoiles, ainsi : ***(**) est traduit par : " pas encore complètement épanoui, mais déjà agréable à boire. Sera sans doute exceptionnel à terme ". Sitôt annoncée cette notation simplifiée, MB semble regretter sa sécheresse, et rajoute souvent un commentaire.
RP utilise dans ses dégustations une note chiffrée élaborée d'une façon plus complexe. Chaque vin existant se voit attribuer 50 points, plus : - une note sur 5 points pour la couleur et l'apparence ( " puisque, aujourd'hui, la plupart des vins sont bien vinifiés (...), la plupart obtiennent 4 ou même 5 points). - une note sur 15 points pour le bouquet. - une note sur 20 points pour les sensations et la finale en bouche. -une note sur 10 points pour l'impression d'ensemble et l'aptitude au bon vieillissement. Le classement des vins est fait selon une grille de 50 à 100 points. Plus de 95 points, le vin est qualifié d'extraordinaire. De 90 à 95 points, ce sont d'excellents vins. De 80 à 89 points, ce sont des très bons vins, surtout de 85 à 89 points. RP ajoute " j'en ai plusieurs dans ma cave personnelle ". De 70 à 79 points, les vins sont de niveau moyen. En-dessous de 70 points sont les vins de qualité insuffisante.
J'ai passé des années à réfléchir sur les systèmes de cotation. Je ne suis sans doute pas le seul, mais une formation de sociologue avec option statistique m'a amené à m'interroger sur le sens de ces systèmes. La première remarque que je me suis faite et qui n'a pas varié est que le chiffre aujourd'hui l'emporte toujours sur la lettre, et encore plus sur l'étoile, à l'exception notable du guide Michelin. Pourquoi ? Nous vivons dans un monde de chiffres. La capacité de réussite d'un sport se mesure à sa capacité à produire du chiffre. Classements intermédiaires, statistiques, chiffres des salaires ont grandement contribué à la réussite du football, alors que le rugby se contentait de poules, de l'anonymat des marqueurs et de la joie de jouer. C'est ainsi. Je pense donc que la notation par chiffres est la plus populaire et la plus demandée, c'est pourquoi j'ai choisi en ce qui me concerne une notation par lettres.
Et le chiffre, qu'en pense Michael Broadbent ? La réponse est cruelle : " Le système de notation sur 100 points qui a été adopté récemment par un certain nombre d'auteurs et de journalistes n'est pas satisfaisant. Il n'est pas honnête, c'est certain, mais de plus, il juge comme s'il était possible de travailler dans des conditions hypothétiquement pures, objectives et toujours identiques ". " Il n'est pas honnête, c'est certain, mais... " est une phrase qui m'a transformé en fan absolu de Monsieur Broadbent, même si j'aime souvent des vins qu'il n'aime pas, ou l'inverse.
Robert Parker n'est pas de cet avis. Il prévient de façon assidue le lecteur que les notes ne sont pas tout. Cependant " elles permettent au lecteur de juger de la manière dont un critique professionnel classe le vin parmi ses pairs ".Dans des ouvrages plus anciens, RP précisait : " Quelle est la différence entre deux vins, tous deux très bons, notés respectivement 86 et 87 ? La réponse est simple : on s'aperçoit, en les dégustant côte à côte, que le vin noté 87 est légèrement meilleur que l'autre ". Il pose ainsi une question importante pour cet article : qu'est-ce qu'un vin meilleur qu'un autre ? est-ce qu'on peut déguster un Muscadet 87 à côté d'un Pauillac 86 et trouver l'un meilleur que l'autre ? La première réponse, découlant de ce qui est plus haut, est que cela dépend du statut que l'on accorde au vin. Est-ce une production agricole dont on peut classer la qualité ? Est-ce une oeuvre d'art qu'on peut coter sur une échelle ? Il est temps de parler dégustation.
DEGUSTATION DES VINS
Le vin n'est pas nécessaire à la vie des hommes, mais ils s'en passent difficilement. Il a une longue histoire. Il est lié au pouvoir, à la religion, à l'argent. Avant le terroir, c'est la politique qui a décidé où l'on produisait du bon vin. Le goût du vin a beaucoup évolué. La dégustation a pris beaucoup d'ampleur depuis cinquante ans. Dans la mimique d'un vigneron goûtant le vin se trouvaient sans doute les dix lignes de commentaire qu'on en tire aujourd'hui, mais cela n'était pas transmissible hors d'un cercle d'initiés. L'Art de faire le vin s'est doublé de L'art de parler du vin. Et pour cela, il faut le déguster.
Expert de l'une des deux grandes maisons de ventes publiques au monde, Michael Broadbent a eu l'occasion de déguster d'innombrables bouteilles. Il précise qu'il n'est pas un stakanoviste de la dégustation, car " ce n'est pas mon occupation principale ". C'est dans le texte qu'on découvre les circonstances des dégustations. Elles souvent drôles, car MB est un auteur plein d'humour. " dégusté au Château... à l'exceptionnelle dégustation de Lafite de X... avant une vente... à un déjeuner... à un dîner... en compagnie de jeunes sommeliers... ". Les rapports avec les propriétaires ou les négociants sont souvent relatés, parfois aussi le plat qui accompagnait le vin. MB précise dans son livre que les commentaires de dégustation " que vous lirez correspondent exactement à ce que j'ai écrit au moment de la dégustation ", alors que les notations par étoiles ont été faites ultérieurement. Même si l'on est le premier expert au monde, goûter le vin coûte cher, en achats de bouteilles, en déplacements, en temps. MB tire une bonne partie de ses commentaires, surtout sur les millésimes anciens, de dégustations géantes organisées par des amateurs fortunés. Dans son credo de l'introduction, il écrit qu'il boit du vin tous les jours, à tous les repas sauf le petit déjeuner : " mes amis le savent ". Michael Broadbent a beaucoup d'amis.
Robert Parker est un critique indépendant. Son honnêteté n'est pas contestée. Avocat du vin, il en est aussi juge :" le rôle du critique est de prononcer des jugements fiables ", écrit-il. RP insiste sur la responsabilité du critique qui doit respecter une stricte déontologie, n'accepter jamais le voyage offert ou l'hospitalité, et acheter la majorité des vins qu'il goûte. Il goûte seul : " J'estime que ( les commentaires de dégustation) émis par le consensus d'une commission sont les plus insipides et les plus trompeurs ". " Les collégialités apprécient rarement les vins de caractère ". Quand RP vient à Bordeaux goûter les vins primeurs, nous, experts ou négociants, ne le voyons pas. On lui porte les échantillons dans son hôtel. Il n'est pas facile de faire goûter ses vins par Robert Parker si l'on est un petit producteur.IL n'y a pas de suite, car la suite serait un roman, et, comme l'a dit Scott Fitzgelald, "on peut écrire une nouyelle en sifflant une bouteille, mais pour un roman...
Primeurs 2004
Bon, les primeurs 2004.
Les premiers prix sortent, avec Valandraud à 50% de l'année dernière. Jean-Luc Thunevin me dit que, quand on vend son vin cher, on peut bien le vendre beaucoup mois cher; d'autant que la récolte est importante. Qu'est-ce que j'en pense? J'aime bien aller goûter les primeurs chaque année. Cela permet de visiter des châteaux qui se mettent en quatre pour recevoir les 6000 visiteurs ou plus. J'ai pu cette année apprécier l'efficacité à Clarke, la sérénité de Gruaud-Larose, la beauté de L'Evangile, la générosité de La Couspaude, etc... Certes les traiteurs servent toujours la même chose, mais c'est gratuit.Mais, je le confesse, je n'ai pas la capacité pour juger de l'avenir d'un vin à partir de son état après quelques mois de barrique. Certains vins n'avaient pas terminé leurs malos. Il est sûr que les maîtres de chai et les viticulteurs, qui sont nombreux à ces dégustations, sont les mieux à même de savoir l'avenir d'un vin, même un autre que le leur.C'est un millésime qui donnera sûrement de très bonnes bouteilles, mais souvent dans un corps modeste qui les rendra vite agréable. Les années en demi-teinte à Bordeaux peuvent vieillir avec beaucoup d’élégance, mais il est tôt pour savoir quoi conseiller ; VX ne publie de notes que sur les vins embouteillés.
Des vins rouges présentés à l’Union n’avaient pas fini leurs fermentations malolactiques. Beaucoup ont préféré ne pas présenter leurs vins. Une fois de plus la spirale infernale se referme sur Bordeaux :
« Mes vins ne sont pas prêts.
- Si tu ne les présentes pas, tu ne les vendras pas. »
Les dégustations se font trop tôt, tout le monde le sait. A qui la faute ? Le Must est de passer dans les propriétés avant, pour publier ses critiques avant tout le monde. Les critiques publiées semblent préférer le cabernet-sauvignon. Pour une fois, nous trouvons qu’il y a de très bons merlots. Le secteur sud de Pomerol semble particulièrement réussi. Au passage, quelques crus qui nous ont beaucoup plu : Troplong-Mondot, Figeac, Virginie de Valandraud dans la tradition de l’appellation, L’Evangile, La Conseillante, Clinet, La Pointe, Pape-Clément, Chevalier, Haut-Bailly, Fieuzal, Malartic-Lagravière, Lynch-Bages, Pichon-Baron, Langoa-Barton, La Lagune, Poujeaux, Gruaud-Larose. Les Graves blancs sont simples, mais présentés à un mauvais moment. Fieuzal et Chevalier ont beaucoup plu, ce n’est pas une grande surprise. Les Sauternes donnent de belles bouteilles pures, d’une liqueur moyenne, avec mention à Guiraud beau et masculin, et Coutet, Malle, Rieussec…Vous en lirez plus chez les critiques professionnels.
Côté prix, les toutes premières sorties sont presque au tarif de 2003. Valandraud a donné le ton en sortant à la moitié du tarif de l’année dernière, il n’est pas sûr qu’il soit suivi. La précédente News vous a annoncé le nouveau service de VinorumCodex : nous suivrons la campagne des primeurs en donnant pour chaque vin en vente le meilleur prix que nous avons trouvé ou qui nous a été signalé par le producteur. Pour consulter ces tarifs, tapez dans le champ Recherche 2004 et le nom du cru, ou de l’appellation, ou de la région. VX recense actuellement 125 crus de 2004.
L’expérience de 2003, menée avant l’ouverture de la base de données, laisse à penser que nous dépasserons les 800 références pour 2004. En ce qui concerne le millésime 2003, année très chaude qui a produit de très grands vins et d’autres qui seront des 1976, nous rappelons que beaucoup de crus sont encore en vente en « vieilles » primeurs au même tarif que l’an passé….
mardi, février 14, 2006
Château de Valandraud
Le très rare et très cher Château de Valandraud, dernière star du merlot, illustre bien l'émergence de nouveaux vins dans le paysage bordelais, des vins très bons, très rares, très chers !
Le château de Valandraut est le dernier-né des nouveaux Bordeaux de haute couture apparus depuis quelques années dans le Libournais. Le domaine a été constitué par Jean-Luc Thunevin, négociant en vins de Saint-Emilion, sur deux groupes de parcelles totalisant 1,8 hectare, l'un en haut de la Côte Pavie, le second sur un affleurement de graves profondes près du château Monbousquet, entre Saint-Emilion et Libourne.
Le vignoble est conduit de façon très traditionnelle, plus comme un jardin que comme une entreprise. Vendanges vertes autant que nécessaire, palissage des vignes "selon la physionomie de chaque pied", J.L. Thunevin a choisi de faire le meilleur vin possible sans souci du coût.
La production très limitée permet d'ailleurs de ne pas s'en soucier, car le marché du vin est ainsi fait qu'un produit très rare et très bon trouve immédiatement un public.
La vendange se fait manuellement au meilleur moment, en attendant le bâchage des vignes sérieusement envisagé ! Toute la vendange est éraflée à la main, foulée à la main, puis fermente dans des cuves en bois ouvertes à la bourguignonne, à température élevée, avec des pigeages au bâton; on casse le chapeau de marc qui se forme sur le dessus du mout pour le plonger dans la cuve. Les fermentations malolactiques se font dans des barriques de chêne neuves, où le vin séjourne 14 à 18 mois. Il est embouteillé sans filtration, après un collage aux blancs d'oeufs léger.
Ces façons de travailler comportent des risques ( fermentation à température élevée notamment) récompensés par une matière plus dense, une concentration plus importante que dans un autre vin.
Le propos de Valandraud est bie de faire un autre type de vin, comme les Bourgogne Leroy sont d'autres Bourgogne, la Coulée de Serrant un autre Savennières. Le merlot est le cépage dominant à 75%, épaulé par le canernet-franc.
L'effet des rendements de 30 Hl/hectare est encore limité par saignée du moût et par la présence d'un second vin. Ces rendements pratiquement deux fois inférieurs à ceux de grands domaines bien tenus sont la condition impérative d'obtention de ces vins très concentrés et puissants que se développent dans le Libournais: Le Pin et La Fleur de Gay en Pomerol, Le Tertre-Roteboeuf et Valandraud à Saint-Emilion, ont en commun la prédominance du cépage merlot, des vendanges tardives, un élevage et parfois une fermentation sous bois neuf, des rendements limités, des critiques dithyrambiques, un prix de vente très élevé, une clientèle fanatique, et bien sûr la faveur de Robert Parker.
Il est très normal que ces nouveaux vignobles se soient développés dans le Libournais, en premier lieu à Pomerol, pays de petite propriété soigneuse et de prix élevé, où aucun classement des Châteaux n'encadre le prix des vins, et à Saint-Emilion où ce classement existe bien, mais reste relativement incompréhensible.
Pour se tailler ainsi une place si présente, ces vins se devaient d'être très bons, mais d'une manière évidente, d'offrir "plus de tout" au dégustateur, bref de gagner par K.O. !
On prédit parfois une désaffection rapide pour ce qui ne serait qu'une mode dictée par le susdit Bobby. On s'inquiète souvent du type très accusé de tous ces nouveaux vins, bêtes à concours qui ne laissent aucune chance aux valeurs confirmées.
Tout cela n'est pas faux, mais plutôt mal ciblé: on ne boit pas de la Turque tous les jours, et les gens qui achètent une Rolls ont aussi une autre voiture.
Le désir de faire le meilleur vin possible, qui est finalement le désir de retrouver l'illusoire grand vin de nos grand-pères, rencontre une vieille demande qui rend ces entreprises tout-à-fait viables à long terme, comme le sont les petites exploitations de Bourgogne ou d'ailleurs.
Dans ce petit peloton des vins dont la demande est très supérieure à l'offre, d'autres rejoindront sans doute Petrus et ses émules dans une émulation de sélection qui n'est porteuse que de bons vins à venir.
La production du Château de Valandraud est bien sûr très réduite:
le vin de 1990 a été vendu en vrac;
1991 très diminué par le gel a fourni 1000 bouteilles;
c'est en 1992 que débute vraiment la production de grand vin, avec 4500 bouteilles d'un vin très dense, extrêmement long en bouche, et d'un grand potentiel de garde.
1993 devrait être un grand vin. Ce grand vin a bien sûr un prix, qui est légèrement supérieur à celui d'un premier cru de Bordeaux, au niveau d'un Grand cru phare de Bourgogne ou d'une grande cuvée de Côte-Rôtie de Guigal; il s'adresse d'ailleurs à la même clientèle, la plus passionnée; les 3500 bouteilles de Valandraud seront vendues par quelques négociants de Bordeaux, mais n'appelez pas, tout est sûrement déjà réservé !
C'est le propre de ces nouveaux vins que d'être quasi-introuvables . Le prix auquel Valandraud a été proposé en primeur est de 240 à 280 Frs hors taxes, ce qui en fait l'un des trois vins les plus chers de la campagne, après Le Pin et Petrus.
L'Avocat du vin, et le procureur du vin
Sans doute avez-vous déjà acheté le Guide des Vins de France de Robert Parker, peut-être vous l'a-t-on offert en triple pour Noël. Il s'agit une nouvelle fois d'un ouvrage de référence, qui regorge de découvertes et explore les régions peu connues: à noter, une étude bien complète des vins d'Alsace.
Mais le grand évènement de la littérature oenophile est pour moi la parution du pavé (dans la mare) de Guy Renvoisé, Le Monde du vin: art ou bluff. Renvoisé, éminent dénicheur de bons vins pour les grands restaurants, s'épargne d'ailleurs le point d'interrogation qui devrait ponctuer le titre, tant la réponse est pour lui évidente: bluff à 90%.
De prime abord, cet ouvrage touffu et un peu confus peut paraître comme le bougonnement d'un vieil amateur nostalgique, mais on se rend vite compte qu'il repose sur une érudition extraordinaire, une connaissance des sols et de la vinification dont peu de critiques approchent.
Renvoisé est très dur envers à peu près tout ce qui tient au vin d'aujourd'hui. De la stérilisation des sols bourrés de produits douteux ou recouverts de terres allogènes aux rendements faramineux de clones standardisés, des extensions illimitées des crus bordelais à la malignité des Bourguignons, de la bureaucratie inepte à la fiscalité spoliatrice, tout y passe, et il est heureux qu'il y ait une conclusion réconfortante pour nous dissuader de passer à la Badoit !
Renvoisé compte sur les doigts des deux mains les viticulteurs de chaque région, car il place la barre très haut. On ne peut citer tous les passages croustillants de ce livre, mais je ne résiste pas au plaisir de reproduire ses conseils pour bien acheter aux enchères: " Au moment où démarrent les enchères, placez-vous de préférence sur le côté, le dos au mur (...). Quand vous avez décidé de rentrer dans les enchères, faites votre annonce d'une voix nette et intelligible ou bien levez très franchement la main. Dès que la somme dépasse celle que vous vous êtes fixée, faites, avec votre avant-bras, des signes de dénégation très fermes (...)" On ne s'ennuie pas dans les salles de vente avec M. Renvoisé ! Je signale à ce propos que les frais sont fixes ( 10,854%) et non plus proportionnels comme indiqués page 138, et que l'on peut acheter sur ordre sans se faire "allumer" à tous coups.
Un livre comme celui de Parker donne des conseils, des notes, bref il guide et sécurise le lecteur. Seuls les américains ont cette faculté d'allier la Bible au reader's Digest. Le classement par points simplifie bien des choses: je rappelle que l'influence de la notation de Parker est de plus en plus grande sur le cours des vins français, et je connais bien des vignerons qui tremblent e attendant leur publication.
Le Renvoisé pose plus de questions qu'il n'y répond, dans une tradition bien française ! Il brocarde par ailleurs le système de dégustation des vins jeunes, la base des notes de Parker, affirmant non sans raison que les vins présentés dans ces occasions éphémères sont les plus susceptibles d'être appréciés, et ne reflètent pas toujours la qualité de l'ensemble; il lui oppose une technique simple: à la fin d'une dégustation, les bouteilles les plus vides sont toujours les meilleurs !
En résumé, c'est un ouvrage indispensable à tout amateur curieux. Je ne saurais terminer sans revenir au Grand Robert: il attaque curieusement les dégustations-marathon de dizaines de vins; ses notes sont pourtant fondées sur ce type de dégustations, qui déconcertent les vignerons eux-mêmes.