lundi, mars 27, 2006

Pourquoi la notation VinorumCodex ?

Publié pour la première fois le 3 avril 2005

La notation utilisée par www.VinorumCodex.com est un système qui combine une note par lettres de A à E et un nombre de lettres variant de 1 à 5. Par le panachage des lettres, ce système permet 86 combinaisons différentes.
Chaque réponse sur VinorumCodex.com, donne la combinaison de lettres et son commentaire.
J'ai imaginé ce système en 1993 quand j'ai commencé à éditer une petite lettre d'information appelée Enchères et en Vins, qui a finalement donné naissance à la base de données VinorumCodex.
La raison était que je n'étais pas satisfait des deux systèmes de cotation existant. Le premier est un système par étoiles, utilisé notamment par le Master of Wine anglais Michael Broadbent, qui permet une vingtaine de cotations différentes. Le second est une cotation en points sur une échelle de 100 points, utilisé notamment par le magazine américain Wine Spectator et par le critique américain Robert Parker dans son magazine The Wine Advocat, qui permet une trentaine de cotations différentes.
L'objet de cet article est de faire une analyse de chacun de ces systèmes. Il a été écrit avant la sortie du film Mondovino. Les exemples pratiques sont tirés de deux ouvrages emblématiques :
Le livre des millésimes, Les grands vins de France, de Michael Broadbent, Editions Scala, 1993.
Le Guide Parker des vins de France, de Robert Parker, Solar, 2001.
Pour m'en tenir à des ouvrages que le lecteur français peut trouver, j'ai utilisé ces deux ouvrages dans leur traduction française. Même si les auteurs restent responsables des traductions, l'utilisation des versions françaises doit nous rendre indulgents envers l'indigence possible du texte. Ces deux ouvrages ne parlent que des vins français, ce qui est bien sûr réducteur. Pour gagner en concision, j'utiliserai parfois dans cet article les abréviations MB et RP pour désigner ces deux grands écrivains du vin.

Michael Broadbent est aujourd'hui un vieux monsieur. Anglais, parfait gentleman, il a acquis sa notoriété en dirigeant le département Vins de la maison de ventes Christie's à Londres et un peu partout dans le monde. Il est aussi francophile : " J'admire les Français, leur goût, leur indépendance intellectuelle, leur gastronomie et par-dessus tout, leurs vins ".
Robert Parker est avocat. Passionné de vin, il a lancé une lettre d'information qui a connu un grand succès et donné lieu à de nombreux ouvrages. Il est aussi francophile. Il va de soi que, personnellement, je me sens plus proche de Monsieur Broadbent que j'admire, que de Monsieur Parker que je respecte.
Le métier d'expert consiste à pouvoir donner une estimation de prix pour n'importe quel vin en bouteille, et si possible une estimation de la qualité. Le métier de critique exercé par RP s'inscrit dans une logique consumériste et donne des conseils d'achats et de consommation des vins. L'expert est historien, le critique suit d'abord une actualité.

Voici maintenant une analyse de ces deux ouvrages.

INTRODUCTION

L'introduction de Broadbent est courte : quelques phrases sur son amour du vin, la notion de millésime mise au centre du propos, le système de notation, la dégustation. L'introduction de Parker est un peu plus longue. Elle donne le plan de l'ouvrage, décrit le système de notation, explique la déontologie du critique : indépendance, avec une référence à l'éternel candidat à la présidence des USA Ralph Nader, courage, expérience, responsabilité, franchise.

COTATION DES VINS

C'est indéniable, une note de qualité d'un vin, quelle qu'elle soit, est réductrice : d'une part, elle est établie à un instant de la vie de ce vin, qui est né, vit et mourra ; d'autre part elle est personnelle, ou tout au plus issue d'un groupe de dégustateurs, et non scientifique. Tant mieux ! C'est ce qui permet de classer les grands vins au rang des oeuvres d'art, et non au sein de la production agricole de qualité, ce qu'ils sont à leur fabrication. Cette dimension spirituelle du vin n'échappe pas à nos deux auteurs :" Les vins sont comme les êtres humains, variables à l'infini, fascinants à l'extrême ". MB" (...) les grands vins, comme la grande musique ou la peinture de haut vol, font l'unanimité, même s'il est pratiquement impossible d'en donner une définition précise ". RP
Comme tous les amateurs, nos deux critiques ont une haute idée du vin. Pour Robert Parker, c'est un produit de l'activité humaine parmi les plus nobles. Pour Michael Broadbent, c'est quasiment un être vivant.
Ce produit, reste à en donner connaissance. Le discours sur le vin a considérablement évolué au XX° siècle. Très timide au XIX° siècle, il donnait seulement quelques indications générales. Il est aujourd'hui pléthorique, et nous en donnerons quelques exemples. Mais aucun media donnant une critique des vins ne saurait aujourd'hui se passer d'une synthèse, d'une qualité résumée en quelques caractères typographiques. On peut le regretter, mais c'est ainsi.Voici donc les raisons pour lesquelles MB et RP ont choisi le leur.

MB utilise dans ses dégustations une grille chiffrée : " (...) sur 20 : 3 points pour l'aspect, 7 pour le nez, 10 pour la bouche et l'impression d'ensemble ". Il complète cette note sèche par des impressions écrites dans de petits carnets. Il pense que l'erreur est humaine et " les variations infinies ". Il a donc gardé pour lui ses chiffres et donne comme notes des étoiles, de 0 à 5, de mauvais à exceptionnel. L'espérance de vie d'un vin est indiquée par la mise entre parenthèses d'étoiles, ainsi : ***(**) est traduit par : " pas encore complètement épanoui, mais déjà agréable à boire. Sera sans doute exceptionnel à terme ". Sitôt annoncée cette notation simplifiée, MB semble regretter sa sécheresse, et rajoute souvent un commentaire.

RP utilise dans ses dégustations une note chiffrée élaborée d'une façon plus complexe. Chaque vin existant se voit attribuer 50 points, plus : - une note sur 5 points pour la couleur et l'apparence ( " puisque, aujourd'hui, la plupart des vins sont bien vinifiés (...), la plupart obtiennent 4 ou même 5 points). - une note sur 15 points pour le bouquet. - une note sur 20 points pour les sensations et la finale en bouche. -une note sur 10 points pour l'impression d'ensemble et l'aptitude au bon vieillissement. Le classement des vins est fait selon une grille de 50 à 100 points. Plus de 95 points, le vin est qualifié d'extraordinaire. De 90 à 95 points, ce sont d'excellents vins. De 80 à 89 points, ce sont des très bons vins, surtout de 85 à 89 points. RP ajoute " j'en ai plusieurs dans ma cave personnelle ". De 70 à 79 points, les vins sont de niveau moyen. En-dessous de 70 points sont les vins de qualité insuffisante.

J'ai passé des années à réfléchir sur les systèmes de cotation. Je ne suis sans doute pas le seul, mais une formation de sociologue avec option statistique m'a amené à m'interroger sur le sens de ces systèmes. La première remarque que je me suis faite et qui n'a pas varié est que le chiffre aujourd'hui l'emporte toujours sur la lettre, et encore plus sur l'étoile, à l'exception notable du guide Michelin. Pourquoi ? Nous vivons dans un monde de chiffres. La capacité de réussite d'un sport se mesure à sa capacité à produire du chiffre. Classements intermédiaires, statistiques, chiffres des salaires ont grandement contribué à la réussite du football, alors que le rugby se contentait de poules, de l'anonymat des marqueurs et de la joie de jouer. C'est ainsi. Je pense donc que la notation par chiffres est la plus populaire et la plus demandée, c'est pourquoi j'ai choisi en ce qui me concerne une notation par lettres.

Et le chiffre, qu'en pense Michael Broadbent ? La réponse est cruelle : " Le système de notation sur 100 points qui a été adopté récemment par un certain nombre d'auteurs et de journalistes n'est pas satisfaisant. Il n'est pas honnête, c'est certain, mais de plus, il juge comme s'il était possible de travailler dans des conditions hypothétiquement pures, objectives et toujours identiques ". " Il n'est pas honnête, c'est certain, mais... " est une phrase qui m'a transformé en fan absolu de Monsieur Broadbent, même si j'aime souvent des vins qu'il n'aime pas, ou l'inverse.

Robert Parker n'est pas de cet avis. Il prévient de façon assidue le lecteur que les notes ne sont pas tout. Cependant " elles permettent au lecteur de juger de la manière dont un critique professionnel classe le vin parmi ses pairs ".Dans des ouvrages plus anciens, RP précisait : " Quelle est la différence entre deux vins, tous deux très bons, notés respectivement 86 et 87 ? La réponse est simple : on s'aperçoit, en les dégustant côte à côte, que le vin noté 87 est légèrement meilleur que l'autre ". Il pose ainsi une question importante pour cet article : qu'est-ce qu'un vin meilleur qu'un autre ? est-ce qu'on peut déguster un Muscadet 87 à côté d'un Pauillac 86 et trouver l'un meilleur que l'autre ? La première réponse, découlant de ce qui est plus haut, est que cela dépend du statut que l'on accorde au vin. Est-ce une production agricole dont on peut classer la qualité ? Est-ce une oeuvre d'art qu'on peut coter sur une échelle ? Il est temps de parler dégustation.

DEGUSTATION DES VINS

Le vin n'est pas nécessaire à la vie des hommes, mais ils s'en passent difficilement. Il a une longue histoire. Il est lié au pouvoir, à la religion, à l'argent. Avant le terroir, c'est la politique qui a décidé où l'on produisait du bon vin. Le goût du vin a beaucoup évolué. La dégustation a pris beaucoup d'ampleur depuis cinquante ans. Dans la mimique d'un vigneron goûtant le vin se trouvaient sans doute les dix lignes de commentaire qu'on en tire aujourd'hui, mais cela n'était pas transmissible hors d'un cercle d'initiés. L'Art de faire le vin s'est doublé de L'art de parler du vin. Et pour cela, il faut le déguster.
Expert de l'une des deux grandes maisons de ventes publiques au monde, Michael Broadbent a eu l'occasion de déguster d'innombrables bouteilles. Il précise qu'il n'est pas un stakanoviste de la dégustation, car " ce n'est pas mon occupation principale ". C'est dans le texte qu'on découvre les circonstances des dégustations. Elles souvent drôles, car MB est un auteur plein d'humour. " dégusté au Château... à l'exceptionnelle dégustation de Lafite de X... avant une vente... à un déjeuner... à un dîner... en compagnie de jeunes sommeliers... ". Les rapports avec les propriétaires ou les négociants sont souvent relatés, parfois aussi le plat qui accompagnait le vin. MB précise dans son livre que les commentaires de dégustation " que vous lirez correspondent exactement à ce que j'ai écrit au moment de la dégustation ", alors que les notations par étoiles ont été faites ultérieurement. Même si l'on est le premier expert au monde, goûter le vin coûte cher, en achats de bouteilles, en déplacements, en temps. MB tire une bonne partie de ses commentaires, surtout sur les millésimes anciens, de dégustations géantes organisées par des amateurs fortunés. Dans son credo de l'introduction, il écrit qu'il boit du vin tous les jours, à tous les repas sauf le petit déjeuner : " mes amis le savent ". Michael Broadbent a beaucoup d'amis.

Robert Parker est un critique indépendant. Son honnêteté n'est pas contestée. Avocat du vin, il en est aussi juge :" le rôle du critique est de prononcer des jugements fiables ", écrit-il. RP insiste sur la responsabilité du critique qui doit respecter une stricte déontologie, n'accepter jamais le voyage offert ou l'hospitalité, et acheter la majorité des vins qu'il goûte. Il goûte seul : " J'estime que ( les commentaires de dégustation) émis par le consensus d'une commission sont les plus insipides et les plus trompeurs ". " Les collégialités apprécient rarement les vins de caractère ". Quand RP vient à Bordeaux goûter les vins primeurs, nous, experts ou négociants, ne le voyons pas. On lui porte les échantillons dans son hôtel. Il n'est pas facile de faire goûter ses vins par Robert Parker si l'on est un petit producteur.IL n'y a pas de suite, car la suite serait un roman, et, comme l'a dit Scott Fitzgelald, "on peut écrire une nouyelle en sifflant une bouteille, mais pour un roman...

Primeurs 2004

Publié pour la première fois en avril 2005.

Bon, les primeurs 2004.
Les premiers prix sortent, avec Valandraud à 50% de l'année dernière. Jean-Luc Thunevin me dit que, quand on vend son vin cher, on peut bien le vendre beaucoup mois cher; d'autant que la récolte est importante. Qu'est-ce que j'en pense? J'aime bien aller goûter les primeurs chaque année. Cela permet de visiter des châteaux qui se mettent en quatre pour recevoir les 6000 visiteurs ou plus. J'ai pu cette année apprécier l'efficacité à Clarke, la sérénité de Gruaud-Larose, la beauté de L'Evangile, la générosité de La Couspaude, etc... Certes les traiteurs servent toujours la même chose, mais c'est gratuit.Mais, je le confesse, je n'ai pas la capacité pour juger de l'avenir d'un vin à partir de son état après quelques mois de barrique. Certains vins n'avaient pas terminé leurs malos. Il est sûr que les maîtres de chai et les viticulteurs, qui sont nombreux à ces dégustations, sont les mieux à même de savoir l'avenir d'un vin, même un autre que le leur.C'est un millésime qui donnera sûrement de très bonnes bouteilles, mais souvent dans un corps modeste qui les rendra vite agréable. Les années en demi-teinte à Bordeaux peuvent vieillir avec beaucoup d’élégance, mais il est tôt pour savoir quoi conseiller ; VX ne publie de notes que sur les vins embouteillés.

Des vins rouges présentés à l’Union n’avaient pas fini leurs fermentations malolactiques. Beaucoup ont préféré ne pas présenter leurs vins. Une fois de plus la spirale infernale se referme sur Bordeaux :
« Mes vins ne sont pas prêts.
- Si tu ne les présentes pas, tu ne les vendras pas. »

Les dégustations se font trop tôt, tout le monde le sait. A qui la faute ? Le Must est de passer dans les propriétés avant, pour publier ses critiques avant tout le monde. Les critiques publiées semblent préférer le cabernet-sauvignon. Pour une fois, nous trouvons qu’il y a de très bons merlots. Le secteur sud de Pomerol semble particulièrement réussi. Au passage, quelques crus qui nous ont beaucoup plu : Troplong-Mondot, Figeac, Virginie de Valandraud dans la tradition de l’appellation, L’Evangile, La Conseillante, Clinet, La Pointe, Pape-Clément, Chevalier, Haut-Bailly, Fieuzal, Malartic-Lagravière, Lynch-Bages, Pichon-Baron, Langoa-Barton, La Lagune, Poujeaux, Gruaud-Larose. Les Graves blancs sont simples, mais présentés à un mauvais moment. Fieuzal et Chevalier ont beaucoup plu, ce n’est pas une grande surprise. Les Sauternes donnent de belles bouteilles pures, d’une liqueur moyenne, avec mention à Guiraud beau et masculin, et Coutet, Malle, Rieussec…Vous en lirez plus chez les critiques professionnels.

Côté prix, les toutes premières sorties sont presque au tarif de 2003. Valandraud a donné le ton en sortant à la moitié du tarif de l’année dernière, il n’est pas sûr qu’il soit suivi. La précédente News vous a annoncé le nouveau service de VinorumCodex : nous suivrons la campagne des primeurs en donnant pour chaque vin en vente le meilleur prix que nous avons trouvé ou qui nous a été signalé par le producteur. Pour consulter ces tarifs, tapez dans le champ Recherche 2004 et le nom du cru, ou de l’appellation, ou de la région. VX recense actuellement 125 crus de 2004.
L’expérience de 2003, menée avant l’ouverture de la base de données, laisse à penser que nous dépasserons les 800 références pour 2004. En ce qui concerne le millésime 2003, année très chaude qui a produit de très grands vins et d’autres qui seront des 1976, nous rappelons que beaucoup de crus sont encore en vente en « vieilles » primeurs au même tarif que l’an passé….