mardi, février 14, 2006

Pour Robert Parker

Publié pour la première fois en 2000: Pour Robert Parker

Cette fois-ci, ça explose. Il y a près de dix ans que des propriétaires bordelais- et non des moindres- me parlaient de Robert Parker comme "l'homme à abattre" ( considérant sans doute que l'on doit combattre l'adversaire avec les armes usuelles de son pays).
Il y a longtemps que, dans le métier que j'exerce et qui consiste à prévoir le prix de vente probable d'un vin, je considère les notes de M. Robert Parker comme des mercuriales anticipées, puisqu'elles ont une influence directe sur les prix de vente.
Il y a quelques années que j'ai renoncé à chercher à convaincre mes plus fortunés acheteurs que les grands vins devaient être gardés quelques années en cave avant de mériter les notes qui leur sont attribuées.
Et aussi que, par souci de déontologie, j'ai renonçé à vendre des Bordeaux en Primeurs en usant des possibilités multiples de connaître les notes de Robert Parker avant leur publication.
La chasse est lancée. Non sans arguments valables: mais ces arguments sont des aveux de faiblesse: les commentaires, revendiqués comme tels, d'un seul homme, fût-il ancien avocat, ont réussi à influencer le faire du vin, son appréhension, et même sa place sur la table.
Quand monsieur Charmolüe, dont le Montrose 1990 a connu un destin imprévu par suite d'une note très laudative, s'insurge contre le traitement que Robert Parker réserve à son 1999, on comprend l'amertume d'un viticulteur qui a fait du mieux qu'il a pu avec ce que la nature lui a donné.
Mais le consumérisme que nous apporte l'Amérique n'a que faire du climat: seul compte le résultat.
Monsieur Parker est un grand amateur de vin. Vous préfèreriez être notés par un fonds de pension qui vous donnerait des critères de rendement optimal ?.
Quand monsieur Jean-François Moueix juge utile de défendre Robert parker dans une lettre ouverte, c'est l'homme honorable qu'il défend, et non les cotations. Les cotations sont ce qu'elles sont: l'expression de l'appréciation d'un dégustateur, un bon, parmi d'autres. Mettre en doute l'honnêteté de ces cotations est peu correct.

M. Parker goûte beaucoup et note selon son goût, comme moi, toi, et beaucoup d'autres. Certes, il a - mais il le revendique- un goût particulier, qui lui fait préférer les vins puissants et fruités et l'enclint à attribuer des notes très, très élevées à des vins californiens qui nous semblent trop faciles.
Certes, il se préoccupe peu, en bon anglo-saxon, de la disposition des vins à être bus à une bonne table, ce qui est un travers bien latin.
Mais enfin ! Que cet homme goûte les vins et les note, c'est bien son droit !
Que ses ouvrages, qui sont les mieux composés ( et distribués) soient achetés, c'est une preuve de l'intérêt de ses lecteurs. Seul un américain pouvait écrire ces écrits qui sont à la fois la Bible et le Reader's Digest.

Le procès de l'avocat Parker ne fait que commencer:
y défileront des témoins à charge: "- depuis vingt ans, jamais plus de 80"
des témoins à décharges: "-jamais moins de 88, un honnête homme, monsieur le Président"...
Et peut-être qu'en fin d'audience un avocat des parties civiles posera la seule question qui vaille: " - Mais, vous qui critiquez, et dites à juste titre qu'on ne peut juger sereinement un vin qui n'est même pas fini (...), qu'est-ce qui vous oblige à vous plier à ces dégustations de nouveaux-nés ? L'argent ? Vous en avez. L'envie de faire plaisir à la Place ? Elle achète et revend aussitôt vos produits. Le plaisir d'être dans le coup ? Il n'est pas loin du couperet.
Et il poursuivra: Ce monsieur Parker, vous lui reprochez d'avoir médiocrement noté vos vins ? Des vins que vous lui avez vous-même donné à goûter, par libre choix ! Et en plus vous vous plaignez !"

Argument imparable s'il en est. On ne crache pas dans la bouillie bordelaise. Pour en revenir à monsieur Robert Parker, son influence est la conséquence des privilèges que lui accordent les châteaux de Bordeaux.

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